Sur le papier, l’affiche était belle : un couple était en possession de 58 kg de cannabis. Mais ils en ignoraient la valeur marchande et vivaient comme des reclus…
C’est le hasard, enfin leur mission de surveillance anti-cambriolage, qui a conduit les gendarmes à contrôler, dimanche dernier, un hangar isolé dans les environs de Maubourguet, devant lequel se trouvait un fourgon. Très vite, ils repèrent une forte odeur de cannabis et perquisitionnent le lieu. Ils y trouvent du cannabis en quantité industrielle : après pesée, 57 kg de têtes de cannabis et 90 pieds en pleine forme. Le plus cocasse, c’est que quand ils demandent au couple présent à qui tout cela appartient, elle répond ingénument : « Ben, c’est à nous ! »Bref, c’est avec intérêt que le tribunal attend l’arrivée du couple dans le box des accusés, imaginant un duo comme dans les films hollywoodiens, look de rappeur débordant de gourmettes en or. Ben non, le couple est négligé, et ne semble pas dans son assiette. Incapables de tenir debout, secoués de frissons, ils sont visiblement en manque.
Valeur marchande du stock : 663 000 € !
À la lecture de l’instruction, ils ne mesurent pas vraiment l’ampleur de la saisie, pourtant colossale. « C’était pour notre consommation personnelle, on fume entre 20 et 25 joints par jour. » Sans compter l’héroïne et la cocaïne qui ont été saisies, mais en petite quantité. Et quand le tribunal leur fait remarquer que la valeur marchande, hypothèse basse, est de 663 000 €, ils ouvrent des yeux ébahis. Et les bras leur tombent quand le tribunal les soupçonne d’en faire un commerce, forcément lucratif. « Bien sûr que non ! On a planté quelques graines, et ça a poussé, alors on ramassait. Et c’est tout ! » Avec d’étonnants accents de sincérité, on comprend que la revente ne leur est même pas venue à l’esprit. « On vit dans un camion aménagé dans les bois, on ne se soigne pas, pour s’habiller, on récupère des vêtements dans les déchetteries, on fait les poubelles pour se nourrir. » On est loin du train de vie des narcotrafiquants…
« On vit de rien »
Bien que rapidement menée, l’enquête a montré que s’ils possèdent des comptes bancaires, ils ne s’en servent pas. « On vit de rien. Les comptes en banque ? On n’a même plus de carte bleue. On a choisi de vivre isolés. » Plus ou moins, après des « incidents » de la vie, un accident de moto pour lui, dont les douleurs restent vivaces, une santé plus que fragile pour elle, un passé familial complexe pour les deux… Comme s’ils s’étaient trouvés pour unir leurs misères et finir par s’y complaire…
Au point de ne pas mesurer l’énormité de leur plantation. « On a été dépassés, c’est tout. » Mais ils sont retombés dans la réalité quand le Ministère public a requis contre eux trois ans de prison. « C’est un dossier atypique par les quantités. D’ordinaire, les « cultivateurs » manquent de produit, vous, c’est l’inverse ! Ce qui est étonnant, c’est que vous ne touchez pas à vos comptes bancaires, c’est la preuve que vous avez d’autres sources de revenus. » Et d’asséner le témoignage d’une ancienne amie, qui assure « venir acheter régulièrement » auprès du couple. Qui fond littéralement en larmes. « C’est faux, pourquoi elle a dit ça ? Si on vendait, on ne vivrait pas comme ça. Et si on a autant de stock, c’est bien la preuve qu’on ne vend pas ! On ne fait rien de mal… »
« De pauvres hères… »
Leurs avocats, Lorea Chipi et Joseph Mesa ont insisté sur le fait qu’ils ne tenaient pas un réseau. « En matière de saisie de stupéfiants, la justice ordonne l’ouverture d’une information judiciaire, pour démanteler le réseau qui va avec. Ici, cela n’a pas été fait, c’est bien la preuve que les enquêteurs ont vite compris que ce sont des pauvres hères, qui se sont marginalisés et ont perdu pied et touchent aujourd’hui le fond. Au final, la montagne accouche d’une souris, les quantités sont certes importantes, mais il n’y a pas eu de vente. Ils ont besoin d’être aidés. »
La justice, que l’on dit souvent aveugle, sait se montrer humaine, le tribunal a condamné le couple à 18 mois de prison dont 12 avec sursis, la partie ferme étant aménagée en détention électronique, le tout assorti d’une obligation de soins. Une véritable décision de justice…