Quand le gouvernement se félicite de sa politique en matière de répression des drogues, il oublie de mentionner qu’il annule deux campagnes de prévention des risques de l’alcool sous pression des lobbies…
Dans un entretien publié par le Parisien le 14 septembre, Darmanin met la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes de 17 ans — constatée dans une récente enquête (Escapad, mars 2023) — au crédit de la politique de répression, contre les trafiquants et les consommateurEs. Il ajoute (pas une surprise !) qu’il est totalement opposé à sa légalisation, malgré l’avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE, janvier 2023) et malgré des années de demandes en ce sens de la part des professionnelEs de l’addictologie. Il déclare que « partout où on l’a fait, on n’a fait qu’augmenter l’offre, sans freiner l’offre illicite ». Il prétend en revanche que « sa » police a fait reculer le deal : « plus de 1 000 points de deal fermés… ».
La légalisation, c’est possible !
Un excellent panorama critique des politiques de légalisation dans le monde a été fait par l’Observatoire des drogues et des tendances addictives en mars 2023 : près de 60 pays ont légalisé l’usage médical et une vingtaine — et autant d’États des USA — ont légalisé l’usage « récréatif » et le commerce encadré. Pas d’effet magique : selon les pays et les conditions de mise en place du commerce légal, le trafic a plus ou moins baissé mais n’a pas disparu. Il est en concurrence avec le commerce licite, et la partie n’est pas finie. Mais une chose est certaine : « une fois adoptées, ces réformes [semblent] considérées comme irréversibles, les débats portant désormais sur les ajustements nécessaires ». Donc, pas de miracle, mais pas de catastrophe. « Sortir du statu quo », comme le dit le titre du rapport du CESE, c’est possible.
Au contraire, en France, la politique répressive en cours depuis cinquante ans a encore été aggravée avec l’amende forfaitaire délictuelle pour détention de drogue (2016). Les forces de police ont désormais un pouvoir discrétionnaire en matière de répression de l’usage, et donc de criminalisation des quartiers populaires et des jeunes en particulier. L’aspect discriminatoire est si criant que la Défenseure des droits a recommandé, en mai dernier, de revenir sur cette législation !
Quant à la suppression des points de deal, c’est juste de la com’ : quand on en supprime un, un autre s’ouvre ailleurs. On ne modifie pas les habitudes de consommation en déplaçant les points de vente. Mais Darmanin s’assure, et c’est ça l’objectif, l’image d’une figure politique inflexible contre le crime…
Affichage répressif et inaction en matière de santé
Enfin, la baisse de la consommation de cannabis (comme des autres substances psychoactives, licites ou non) chez les jeunes est une bonne nouvelle, car le cannabis est tout sauf anodin à l’adolescence. Pourtant, Escapad montre aussi que les jeunes déscolarisEés ou en apprentissage échappent à cette tendance et que la santé mentale des adolescentEs tend à se détériorer. Précarité, isolement lié à la pandémie … Il est clair que l’effondrement des dispositifs de soins en santé mentale ne fait qu’aggraver les difficultés pour ces jeunes.
Cette mauvaise foi de Darmanin fait écho à celle de Braun et de Macron : deux campagnes de prévention « alcool » de Santé publique France ont été bloquées ce printemps par Macron et/ou Braun sur pression de lobbies, malgré les 40 000 décès imputables à cette drogue licite chaque année en France et des coûts sanitaires bien supérieurs à ceux liés aux drogues illicites. Voilà l’essence de la pensée « sanitaire » de ce pouvoir en matière de santé publique et d’addictologie : affichage hypocrite, inaction sur le fond !