L’Allemagne est aujourd’hui au centre de l’attention dans le débat mondial sur la régulation du cannabis. Depuis la légalisation partielle du cannabis médical, ce secteur a connu une croissance exponentielle, attirant investisseurs étrangers, créant des milliers d’emplois et stimulant l’économie locale. Mais à l’approche des élections fédérales prévues pour le 23 février, ce marché florissant est menacé. Avec la CDU/CSU en tête des sondages et leur volonté affichée d’abolir la loi sur le cannabis, l’avenir de cette industrie devient incertain.
Une volonté politique d’abrogation
Dans son manifeste électoral, la CDU/CSU s’engage à revenir sur les réformes adoptées par le gouvernement précédent. Selon Tino Sorge, porte-parole de la politique de santé pour la CDU/CSU, la légalisation du cannabis récréatif est une « erreur majeure » qui doit être corrigée. Il justifie cette position en évoquant les risques de banalisation du cannabis auprès des jeunes et les difficultés de contrôle de l’offre légale face au marché noir. Sorge estime que ces facteurs compromettent la santé publique et accentuent les problèmes de sécurité. Cependant, le flou persiste sur les conséquences pour le cannabis médical.
Ce manque de clarté est d’autant plus préoccupant que certains opposants accusent le marché médical d’agir comme un faux-semblant pour le récréatif. Les critiques visent notamment des plateformes de télémédecine comme Dr Ansay, accusées de délivrer des prescriptions sans vérification suffisante. Ces accusations soulignent des risques majeurs pour la sécurité des patients, tels que des prescriptions inappropriées ou un accès facilité à des substances contrôlées sans véritable justification médicale, parfois orchestrées par des médecins exerçant hors d’Allemagne.
Les chiffres d’une croissance spectaculaire
Malgré ces controverses, les données témoignent d’un essor incontestable. Selon un rapport du groupe Bloomwell, le nombre de prescriptions a augmenté de 1000 % entre mars et décembre de l’année dernière, une progression spectaculaire qui pourrait s’expliquer par la simplification des démarches administratives, l’élargissement des critères d’éligibilité pour les patients ou encore l’augmentation du nombre de médecins habilités à prescrire du cannabis médical. Parallèlement, le prix moyen par gramme a baissé, rendant le cannabis médical plus accessible. La demande pour des variétés à forte teneur en THC a également grimpé, révélant une transformation profonde des besoins des patients.
Cependant, l’accès au cannabis récréatif reste complexe. Les retards dans l’octroi de licences aux associations de culture poussent les consommateurs récréatifs vers le marché noir ou le secteur médical, contournant ainsi les objectifs initiaux de la loi.
Le rôle économique et social du cannabis
La BvCW (Association allemande des entreprises du cannabis) plaide pour le maintien de la loi, soulignant son rôle économique crucial. Elle met en avant les emplois générés dans des secteurs variés tels que la production, la distribution et la recherche, ainsi que les recettes fiscales substantielles pour l’État. En outre, elle publie régulièrement des analyses économiques démontrant l’impact positif de cette industrie sur le développement régional, particulièrement dans les zones rurales. Selon Dirk Heitepriem, président de la BvCW, l’industrie du cannabis est un levier essentiel pour attirer des investissements étrangers, créer des emplois et générer des recettes fiscales. Une abrogation pourrait entraîner l’effondrement de 70 % des entreprises en 12 mois, selon David Henn de Semdor Pharma.
Le cannabis médical joue aussi un rôle central dans l’accès aux soins, en particulier pour les patients des zones rurales. Par exemple, dans certaines régions éloignées, des dispensaires locaux ont été créés grâce à ce marché, permettant à des patients souffrant de douleurs chroniques ou de maladies rares d’obtenir des traitements qui leur étaient auparavant inaccessibles. Toutefois, la nécessité de revoir les cadres réglementaires, notamment pour la télémédecine, reste une priorité.
Vers un compromis politique ?
Si la CDU/CSU remporte les élections, elle devra former une coalition, vraisemblablement avec des partis pro-cannabis. Cette configuration pourrait limiter les possibilités d’abrogation totale et encourager des ajustements plus pragmatiques, comme le renforcement des contrôles dans la prescription ou une simplification du processus de licence pour les associations de culture.
Conclusion
L’avenir du cannabis médical en Allemagne dépendra en grande partie de la configuration politique post-électorale. Alors que le secteur représente une opportunité économique majeure, il est également confronté à des critiques liées à son encadrement. Le débat soulève une question plus large : comment réguler efficacement le cannabis tout en maximisant ses avantages sociaux, économiques et médicaux ?
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