Le cuisinier innove avec des plats sans gluten et végétariens comprenant également des substances dérivées du chanvre ou cannabidiol (plus couramment appelé CBD). STEPHANE BIDOUZE / SHUTTERSTOCK
Publié le 7 Septembre 2020 | Par LaProvence
Il avait décidé avec son épouse de lancer une nouveauté et de redynamiser son établissement en proposant un menu « bien être ».
Costumé et assis sagement sur les bancs du tribunal correctionnel de Digne, Guillaume, 29 ans, jeune restaurateur à Cruis, ne semble toujours pas comprendre sa présence dans ce prétoire.
Le 17 juillet 2018, il décide avec son épouse de lancer une nouveauté et de redynamiser son établissement en proposant un menu « bien être ». Le cuisinier innove avec des plats sans gluten et végétariens comprenant également des substances dérivées du chanvre ou cannabidiol (plus couramment appelé CBD).
Soucieux de sa santé, le client de cette auberge pouvait enfin se faire masser après avoir dégusté cette nouvelle cuisine.
Avant de lancer son projet, Guillaume fait appel à Johann, producteur d’huile de chanvre dans le Vaucluse et s’assure surtout qu’il ne sort pas de la légalité. « Je lui ai fait confiance sur qualité et la légalité des produits qu’il me fournissait« , insiste le prévenu. « J’ai vendu moins d’une dizaine de ces nouveaux menus à 40 euros« , conclut-il.
Perquisition en cuisine
Jusque-là, Guillaume et son épouse sont enthousiasmés par leur initiative culinaire et décident d’en faire la publicité en invitant un journaliste de la chaîne de télévision locale des Alpes du sud Dici TV.
La diffusion de ce reportage de quelques secondes intitulé « Cannabis, nouvelle herbe de Provence ? » allait rapidement déclencher un phénomène inattendu pour ce couple de restaurateurs qui reçoit quatre jours plus tard, la visite de la maréchaussée. Une perquisition dans les cuisines permet la découverte de fleurs de chanvre séchées (taux de THC 0,23 %) et d’huile de CBD cannabis (taux de THC 0,10 %) qui met un terme au projet de Guillaume qui se retrouve en garde à vue.
Convoquée comme témoin et après avoir prêté serment à la barre, la journaliste subit les attaques de l’avocat de la défense dont l’objectif évident est de déresponsabiliser son client : « Vous avez voulu faire le buzz pour accrocher l’audimat » dénonce maître Florent Hernecq du barreau de Marseille qui lui reproche l’emploi de certains termes qui peuvent créer le doute dans l’esprit de jeunes téléspectateurs. « Très vite accros » ; « Image sulfureuse du chanvre » ; « Relier le cannabis à la sophrologie et qui serait bon pour la santé« . Pauline Parodi, substitut du procureur de la République intervient à son tour pour confirmer que la législation française sur les stupéfiants est très complexe et surtout très évolutive.
« En tant que restaurateur, vous avez le devoir d’information de votre clientèle et proposer un menu bien être, c’est faire l’éloge de produits stupéfiants » interpelle le ministère public, qui reconnaît que le prévenu est manifestement de bonne foi. Le parquet demande la requalification de l’infraction reprochée en « provocation à usage de stupéfiants à la suite de proposition de menus avec chanvre » et requiert 300 € d’amende avec sursis et sans inscription au casier judiciaire B2.
L’avocat de la défense poursuit sa plaidoirie en insistant sur la responsabilité de Johann : « Le vendeur est responsable de ce qu’il vend et mon client a été joué. Je vous demande de le relaxer« . Le tribunal entend les arguments de la défense et relaxe Guillaume, qui aujourd’hui a quitté les cuisines pour se reconvertir dans le BTP.