Prohibition et corruption : un système criminogène
La prohibition des drogues, mise en place depuis plus de 50 ans, n’a pas seulement échoué à réduire la consommation ou le trafic. Elle a donné naissance à un système profondément criminogène, gangrené par la corruption à tous les niveaux. De nos ports aux prisons, en passant par les forces de l’ordre et la justice, l’argent des trafiquants achète et infiltre.
Un narco-État en gestation : la corruption gangrène la France
Le trafic de stupéfiants génère des profits colossaux, largement supérieurs aux moyens des États. Ces ressources astronomiques permettent aux réseaux criminels de s’immiscer partout où ils peuvent influencer le système.
- Les ports : Les dockers, chaînon essentiel de la logistique, sont des cibles privilégiées des trafiquants. Au Havre, par exemple, certains employés touchent jusqu’à 60 000 euros pour perdre temporairement leur badge ou détourner l’attention pendant le passage de conteneurs remplis de drogue.
- Les douanes : En infiltrant les douaniers, les trafiquants contrôlent les points d’entrée. La corruption passive (fermer les yeux) ou active (faciliter le passage) est devenue une stratégie récurrente.
- La police : Des opérations antidrogue sont régulièrement compromises par des fuites. En janvier 2024, une descente prévue à Rennes a été avortée après qu’un informateur a prévenu les trafiquants.
- Les prisons : L’intérieur des établissements pénitentiaires est loin d’être épargné. En mars 2024, six surveillants du centre de Réau ont été mis en examen pour trafic de stupéfiants.
- La justice : Des cas impliquant greffiers et magistrats se multiplient. En juin 2023, une greffière de Saint-Nazaire a été arrêtée pour avoir transmis des informations confidentielles à un réseau criminel.
Ces exemples ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Les réseaux criminels mènent de véritables enquêtes de criblage sur les personnels de l’État pour évaluer leur vulnérabilité et acheter leur concours.
« Je vous le dis tout net : sans la corruption, il n’y a pas de trafic », déclarait Émile Diaz, ancien membre de la French Connection, devant la Commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic en France, qui a remis son rapport en mai 2024. Parole d’expert.
Lire l’article du Point sur ce sujet
Bilan de la prohibition : une addition criminelle
La prohibition, censée protéger nos sociétés, alimente en réalité un cercle vicieux aux conséquences désastreuses.
- Corruption systémique : La prohibition crée un environnement où la corruption prospère. Les profits des trafiquants leur permettent d’acheter des agents publics, de pirater des systèmes informatiques, ou de contourner des enquêtes entières.
- Criminalisation de millions de citoyens : Des vies sont brisées par des condamnations pour des délits mineurs, tandis que les véritables profiteurs, les narcotrafiquants et les corrompus, opèrent en toute impunité.
- Économie parallèle florissante : Le marché noir ne cesse de croître, enrichissant des organisations criminelles violentes qui déstabilisent nos territoires.
- Dilapidation des ressources publiques : Chaque année, des milliards d’euros sont investis dans une répression inefficace. Ces fonds pourraient être redirigés vers la prévention, la santé publique, ou d’autres priorités sociétales.
Dénoncer l’inacceptable : les vrais responsables
Le premier pas pour sortir de cette impasse est de nommer les vrais coupables.
- Les politiques aveugles : Depuis des décennies, les décideurs refusent d’admettre l’échec patent de la prohibition. Pire, ils détournent l’attention en stigmatisant les consommateurs, comme s’ils étaient responsables du trafic, de la violence ou de l’insécurité.
- Les défenseurs acharnés de la prohibition : En militant pour le renforcement des lois répressives, ils perpétuent un système qui alimente les trafics, stigmatise injustement des millions de Français et gaspille des ressources publiques.
- Les complices passifs : Ceux qui se taisent ou détournent le regard participent à maintenir un statu quo destructeur. Leur passivité équivaut à une forme de complicité face à l’ampleur des dégâts causés par cette politique absurde.
Les revendications du CIRC : pour une politique juste et humaine
Le CIRC milite depuis des décennies pour une légalisation pragmatique et humaine du cannabis. Nos revendications sont claires et précises :
- Le droit inaliénable à l’autoproduction : Tout citoyen doit pouvoir cultiver et consommer du cannabis pour son usage personnel, sans craindre la répression.
- Des Cannabis Social Clubs (CSC) : Ces structures collectives permettraient aux citoyens de produire et consommer dans un cadre éthique, non lucratif, et communautaire, tout en garantissant un contrôle qualité.
- Une filière locale et nationale : Favoriser une production nationale respectueuse de l’environnement, redistribuant les revenus à des projets locaux et solidaires.
- Les Cannabistrots : Des lieux sécurisés et régulés pour la consommation sur place, favorisant la convivialité et l’éducation plutôt que la stigmatisation.
- La fin de la criminalisation : Effacer les casiers judiciaires liés au cannabis et réhabiliter les personnes injustement pénalisées.
- Un modèle éducatif et sanitaire : Intégrer la prévention, l’information et l’accompagnement thérapeutique au cœur de la politique de légalisation.
Ces propositions ne sont pas qu’une alternative. Elles constituent une véritable révolution sociale, économique et sécuritaire, éloignant la France de la logique répressive au profit d’une approche centrée sur les libertés individuelles et le bien-être collectif.
Un appel à la responsabilité collective
Il est urgent d’agir. La légalisation du cannabis, accompagnée de règles claires et pragmatiques, est une nécessité.
- Pour la justice : Mettre fin à la criminalisation des consommateurs et cibler les véritables criminels : trafiquants et corrupteurs.
- Pour l’économie : Créer une filière légale permettrait de récupérer des milliards d’euros aujourd’hui perdus dans la répression et le marché noir.
- Pour la sécurité : Une réglementation claire priverait les réseaux criminels de leur principale source de revenus.
Ensemble, nous devons exiger des comptes à nos élus. Pourquoi maintiennent-ils une politique qui échoue depuis plus d’un demi-siècle ? Pourquoi détournent-ils les regards des conséquences de leur inaction ?
La prohibition est un échec, mais surtout, elle est une machine à produire de la corruption. Il est temps de briser ce cercle vicieux pour construire une politique fondée sur la justice, la santé publique et la responsabilité collective.
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