L’Agence nationale de sécurité du médicament a retenu six duos de producteur-distributeur pour la première expérimentation française de cannabis thérapeutique. Boiron, en difficulté avec la fin du remboursement de l’homéopathie en France, tente une diversification, associé au britannique Emmac Life Sciences.
Par Lea Delpont
Publié le 27 janv. 2021
On connaît désormais les fournisseurs de l’expérimentation française sur le cannabis thérapeutique. L’appel d’offres de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a abouti le 25 janvier à l’attribution de neuf lots pour des concentrations et des formes variées des deux molécules actives THC et CBD (huiles, comprimés, etc.). La production de cannabis étant prohibée en France, les candidatures étaient constituées d’un fabricant étranger apparié avec un distributeur français. On y trouve le leader mondial de l’homéopathie Boiron, en difficulté dans l’Hexagone depuis la fin du remboursement des petits granules blancs – chiffre d’affaires 2020 de 513 millions d’euros, en recul de 7,8 % deux ans de suite.
Le groupe lyonnais est associé au britannique Emmac Life Sciences, leader européen de la production de cannabis de qualité pharmaceutique. Celui-ci fournit les marchés déjà réglementés allemands et britanniques, et se développe en Espagne, au Portugal et en Pologne. « 21 pays européens ont déjà réglementé l’usage thérapeutique, souligne son directeur général France, François-Xavier Nottin. Nous sommes les seuls producteurs européens retenus par l’ANSM. » Il maîtrise la filière de la graine au patient, avec son laboratoire et ses filiales de distribution.
Emmac, qui a racheté le Français Green Leaf en 2019, dans le domaine des produits bien-être à base de chanvre, fournira une forme concentrée en THC et une huile équilibrée en THC et CBD. Les premières administrations en tant qu’antidouleur dans des indications comme l’oncologie pourraient intervenir en mars, après la formation des médecins et pharmaciens volontaires. Le test sera ouvert à 3.000 patients dans cinq indications.
Une filière à structurer
Boiron revendique son savoir-faire « dans le développement et la distribution de médicaments à base de plantes médicinales » , avec une expérience sur deux souches de cannabis, sativa et indica, longtemps présentes dans sa nomenclature. Mais il ne s’était encore jamais aventuré sur ce terrain. « Nous voulons être précurseurs pour structurer cette filière au niveau européen avec Emmac », dit-il. Son partenaire a levé 60 millions d’euros depuis sa création en 2018. Il affichait un chiffre d’affaires de 6 millions en 2019, annoncé en forte croissance en 2020.
Les autres distributeurs français retenus par l’ANSM sont Medipha Santé, Neuraxpharm, Intsel Chimos et Ethypharm. Contrôlé par le fonds PAI et spécialiste des médicaments contre la douleur et les addictions (130 millions de revenus et 950 salariés), ce dernier est le concurrent le plus sérieux face à Boiron. Le choix des médecins prescripteurs entre les différentes formes à leur disposition, produits bruts ou dérivés pharmaceutiques, déterminera les vrais vainqueurs de l’appel d’offres.
Source : Lesechos.fr