Publié le 14 septembre 2020 | Par l’Est-Républicain
Edito :
La France est championne d’Europe sur le cannabis et, paradoxe, sa législation y est la plus sévère. La peur du gendarme ne ralentit pas la fumette. Les 15-16 ans fument d’ailleurs deux fois plus que la moyenne des ados européens. Depuis deux ans, le Conseil d’analyse économique, très sérieux organisme qui souffle à l’oreille du Premier ministre, suggère de légaliser cette drogue dite douce. Le shit n’est pas dépénalisé en Europe, même si la Hollande et l’Espagne restent les plus permissifs. Madrid autorise même la production maison pour sa propre consommation.
En revanche, en Italie ou en Allemagne, on a le droit d’avoir quelques grammes sur soi et l’usage thérapeutique est autorisé. Dans notre pays, nous assistons plutôt à un tour de vis avec la généralisation d’un délit pour les amateurs de joints et une amende forfaitaire de 200 euros. Face au maire de Reims souhaitant tester la légalisation du cannabis, Gérald Darmanin a dégainé sèchement hier : « On ne va pas légaliser cette merde ! Il y aurait un petit côté je baisse les bras. Ce gouvernement ne baisse pas les bras ».
En revanche, le premier flic de France n’est jamais le dernier à faire des moulinets sémantiques. Or les incantations ne changeront rien car le sujet est sérieux. Ce n’est pas avec lui qu’on sortira de l’idéologie pour réfléchir raisonnablement à une solution pragmatique. N’est-il néanmoins pas trop tard car des centaines de milliers de familles vivent de cette économie plus vraiment souterraine ? Le chiffre d’affaires du cannabis dépasse les trois milliards d’euros et représente 70 % du crime organisé..
L’argent est blanchi dans l’immobilier ou les sociétés de location de voitures de luxe. Trentenaires, quadras et quinquas consomment allègrement et les forces de l’ordre ne savent plus ou donner de la tête face à ce rocher de Sisyphe. Les réseaux tombent, la justice condamne, mais que faire avec ce tonneau des Danaïdes où sous la « merde » de Darmanin remontent des relents d’argent sale et de la poudre de Kalachnikov, joujou de service des trafiquants, ces affranchis de l’époque révolue où Gainsbourg voulait « casser la gueule aux dealers qui dans l’ombre attendaient leur heure » ?
Source L’Est Républicain