Communiqué de l’Académie nationale de médecine
8 décembre 2022
Dans le chanvre (Cannabis sativa) sont présents de nombreux cannabinoïdes dérivés d’un même précurseur, le cannabigérol (CBG). Des enzymes spécifiques convertissent le CBG en d’autres molécules, dont les plus connues sont le tétrahydrocannabinol (THC), psychotrope addictif majeur du cannabis, et le cannabidiol (CBD), non addictif mais dont les effets indésirables méritent d’être mieux connus.
Le CBD, substance active d’origine le plus souvent naturelle, fait partie des phyto-cannabinoïdes. Le CBD est présent dans la fleur de cannabis séchée et des produits de composition complexe qui, pour pouvoir être commercialisés, doivent être, conformément à la règlementation, pauvres (<0,3%) en THC (substance la plus psychoactive du cannabis). De nombreux produits contenant du CBD sont ainsi commercialisés : huiles, produits cosmétiques, produits alimentaires (boissons alcoolisées ou non, sucreries, tisanes), et produits à usage vétérinaire (1).
Contrairement au THC, le CBD ne relève pas de la réglementation des stupéfiants, ni de celle des psychotropes. Cependant, l’arrêté du 30 décembre 2021 indique que les produits contenant du CBD ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament.[1] Au regard de la règlementation européenne sur les nouveaux aliments, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a suspendu l’évaluation du CBD dans l’attente de données complémentaires sur la sécurité d’emploi.
Dans le corps humain, le CBD se lie à plusieurs dizaines de récepteurs différents, notamment ceux de la sérotonine et de la dopamine, et à des acides aminés excitateurs et inhibiteurs. Les données constatées in vitro (cultures cellulaires) et chez l’animal ne sont pas extrapolables à l’espèce humaine en termes d’effets cliniques, thérapeutiques ou indésirables. En dehors d’une utilisation en thérapeutique adjuvante (2) à dose élevée dans des épilepsies pharmaco-résistantes les preuves scientifiques d’un intérêt thérapeutique de l’usage du CBD seul manquent.
Souvent présenté sous la dénomination de « cannabis light », « cannabis légal » ou « cannabis bien-être », le CBD est revendiqué comme favorisant le « bien-être », les usagers rapportant des finalités d’usage pour soulager l’anxiété, le stress ou la douleur, améliorer le sommeil, voire aider au sevrage en cannabis (riche en THC) (3). Il est alors difficile de faire la part d’un effet propre de la substance (pharmacologique) et d’un effet placebo.
Le CBD peut induire des effets indésirables (troubles digestifs, toxicité hépatique, somnolence, fatigue), dont la fréquence augmente avec la dose par prise et la dose quotidienne. Il existe aussi un risque d’interaction avec de nombreux médicaments, d’autant plus élevé que la dose de CBD consommée est élevée. Une augmentation des concentrations sanguines de certains de ces médicaments, donc de leurs effets indésirables, peut en résulter.
Le CBD n’étant pas une substance classée parmi les stupéfiants, son usage associé à la conduite d’un véhicule n’est pas interdit. Toutefois, les produits contenant du CBD contiennent toujours du THC, mais en quantité variable, ce dont le consommateur n’est pas forcément clairement informé. Selon la concentration en THC, la quantité et la fréquence d’usage du produit contenant du CBD, il est donc possible que le prélèvement d’un utilisateur de CBD soit testé positif pour le THC, lors du sport ou dans le cadre de la sécurité routière.
Dans le sport, les bénéfices du CBD, notamment lors des phases de récupération, ne sont pas bien établis, et il ne faut pas méconnaître ses effets indésirables potentiels tels qu’une baisse de la vigilance ou des troubles digestifs, qui peuvent s’avérer incompatibles avec des performances sportives. Le CBD ne fait pas partie des substances dopantes. Néanmoins, son usage associé à des pratiques sportives peut conduire, comme déjà évoqué, à un test positif pour le THC (4).
L’Académie nationale de médecine appelle l’attention sur les risques liés à l’usage du CBD et propose que :
– les informations sur les emballages des produits non pharmaceutiques contenant du CBD soient améliorées : risque d’interactions médicamenteuses ; procédure pour déclarer un effet indésirable ; risques associés à la conduite automobile ; risque de test positif au THC dans le cadre de la sécurité routière ou du sport ;
– les usagers soient informés sur la dose en milligrammes de CBD consommée par prise, et que, si elle dépasse 50 mg/jour, cette prise soit précédée, en cas de traitement médicamenteux en cours, par la recherche préalable, avec un professionnel de santé (médecin, pharmacien), de possibles interactions médicamenteuses, et ne conduise pas à un arrêt du traitement médicamenteux ;
– compte-tenu de la diversité des produits contenant du CBD, la réglementation et les conditions d’accès à ces produits soient harmonisées, afin que les usagers disposent d’une information, voire d’un accompagnement adapté, en cas d’usage de ces produits ;
– enfin, que des travaux de recherche explorent l’hypothèse que la consommation de CBD fumé puisse constituer une incitation comportementale à l’usage de la cigarette (de tabac ou de cannabis).
Références
- Authier N., Le Petit Livre du CBD, First Editions, 28 septembre 2022, p. 49-55
- Alvarez J.C. et al., Le cannabidiol (CBD) : que faut-il retenir ? Tox Anal Clin, 2022, 34, p. 211-214
- Authier N. Le Petit Livre du CBD, Op cit., 64-65
- Mareck U. et al., Preliminary data on the potential of unintentional antidoping rule violations by permitted cannabidiol (CBD) use, Drug Test Anal, 2021, 13, p. 539-549
[1] C’est le cas, notamment, pour un médicament contenant exclusivement du cannabidiol purifié, l’Epidyolex, autorisé en France pour certaines formes d’épilepsies pharmaco-résistantes, et qui relève de la réglementation des substances vénéneuses.
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