L’amende forfaitaire pour consommation de stupéfiants, et notamment de cannabis, est entrée en vigueur le 1er septembre dernier. Six mois plus tard, le bilan est mitigé.
Elle était destinée à simplifier les procédures pour les autorités et responsabiliser les consommateurs de stupéfiants. L’amende forfaitaire de 200 euros avec inscription au casier judiciaire qui punit l’usage de drogue, et qui vise particulièrement les consommateurs de cannabis, est entrée en vigueur le 1er septembre dernier, après avoir été une promesse de campagne du candidat Macron.
Elle a par ailleurs été érigée en symbole de la guerre anti-drogue menée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, dans une France championne d’Europe de la consommation de cannabis, malgré une des législations les plus répressives du continent. Six mois après sa mise en place, le bilan semble mitigé, d’après les premiers concernés.
Une simplification limitée
Certains policiers de région parisienne saluent un « gain de temps », qui évite des heures de procédure pour de maigres résultats. « Deux cents euros, c’est plus concret qu’un rappel à la loi », estime l’un d’eux auprès de l’AFP. Le temps économisé permet aux enquêteurs « d’être plus concentrés sur l’investigation et le travail de démantèlement » des réseaux, souligne un autre.
Toutefois, le délégué national à l’investigation chez Unité SGP Police, Yann Bastière, reste circonspect. « Beaucoup savent déjà comment contourner l’amende, il suffit de ne pas avoir de pièce d’identité », déplore le syndicaliste. « C’est une vraie fausse bonne idée », tranche Frédéric Lagache, délégué général du syndicat Alliance, en pointant des « lourdeurs » qui risquent de compromettre son utilisation à long terme. « Il faut que le gars ne soit pas mineur, qu’il reconnaisse les faits, qu’il ait des papiers sur lui. (…) Ça prend des plombes, avec un vrai risque que les esprits s’échauffent », ajoute-t-il.
Du côté de la Justice, l’amende « ne change rien en termes de flux et de charge de travail puisque les consommateurs de stupéfiants faisaient déjà l’objet d’une procédure simplifiée auparavant », explique le parquet de Bobigny.
Pas de forte dissuasion
L’effet escompté sur les consommateurs ne semble pas tellement atteint. Selon Frédéric Lagache, « il y a toujours autant de consommateurs sur les points de deal ». De son côté, Marc (le prénom a été modifié), ancien serveur de région parisienne, aujourd’hui sans emploi, a été arrêté deux fois en septembre à la sortie d’un « four », véritable supermarché du deal au pied des tours de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.
« Ça fait mal 400 euros, mais de toute façon, je peux pas les payer », évacue le jeune homme de 26 ans, qui n’a réglé aucune amende et a vu l’ardoise gonfler à 900 euros après majoration. Malgré le montant, « ça ne change rien à ma conso », confie celui qui continue de griller « cinq à huit joints par jour ». Il confie toutefois fumer moins fréquemment dans la rue et a déserté le point de vente pour s’approvisionner directement au domicile d’un dealeur.
Critique des associations
Du côté des associations de consommateurs, on critique l’acharnement de la législation contre les consommateurs. « Le poncif de la guerre à la drogue débouche systématiquement sur la guerre aux drogués », s’agace ainsi Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, qui représente plusieurs milliers de professionnels de santé. « Cela fait cinquante ans qu’on a ce genre de postures inefficaces », ajoute-t-elle, en regrettant que le gouvernement « n’ait pas inclus l’amende dans un plan global qui insiste vraiment sur la prévention ».
Pour Farid Ghehiouèche, 49 ans, consommateur quotidien de cannabis depuis l’âge de 15 ans et président-fondateur de l’association Cannabis sans frontières, cette mesure n’a pour effet qu’un renforcement du trafic et de l’implication des plus jeunes. « On prétend qu’on veut maintenir cet interdit pour protéger la jeunesse. Mais cette amende, on ne pourra pas l’infliger aux jeunes de moins de 18 ans, alors on va renforcer leur rôle dans le trafic », alertait-il au micro de France Inter avant l’entrée en vigueur de l’amende, fin juillet.
Plus de 43 000 amendes
Au total, 43 500 amendes ont été dressées au 24 février, selon le procureur de Rennes Philippe Astruc, qui assure la tutelle du centre national de traitement des infractions. S’il est encore trop tôt pour évaluer leur recouvrement après contestation, environ 40% des contrevenants les ont payées spontanément.
Entre septembre et fin janvier, les infractions pour usage de stupéfiants ont augmenté de 19,5% par rapport à la même période un an auparavant, selon les calculs réalisés à partir des données du ministère de l’Intérieur.
Source : Lexpress.fr