Par CIRC – Collectif d’Information et de Recherche Cannabique – Cannabis, dopamine et psychose
Alors que le Canada a légalisé le cannabis depuis maintenant six ans, la recherche médicale continue d’explorer les effets à long terme de cette substance sur la santé mentale. Une nouvelle étude publiée le 9 avril 2025 dans JAMA Psychiatry, menée par des chercheurs de l’Université Western et du London Health Sciences Centre Research Institute (Ontario), établit un lien entre le trouble de l’usage du cannabis (Cannabis Use Disorder, ou CUD) et une augmentation de l’activité dopaminergique dans le cerveau – un marqueur souvent associé aux troubles psychotiques.
Une étude importante, mais ciblée
L’étude repose sur des techniques d’imagerie cérébrale non-invasives, en particulier l’imagerie par résonance magnétique sensible à la neuromélanine. La neuromélanine est un pigment qui s’accumule dans certaines régions du cerveau (notamment dans la substantia nigra et l’aire tegmentale ventrale) lorsque les niveaux de dopamine sont élevés. Or, une surabondance de dopamine est reconnue comme l’un des mécanismes biologiques associés à la psychose.
Les chercheurs ont observé, chez des individus atteints de CUD âgés de 18 à 35 ans, une densité accrue de neuromélanine – des « tâches noires » visibles sur les scans cérébraux, suggérant une hyperactivité dopaminergique comparable à celle observée chez des personnes plus âgées ou souffrant de schizophrénie débutante.
Ce que dit (vraiment) l’étude
Le docteur Lena Palaniyappan, chercheuse principale et professeur à McGill, précise : « Nous avons maintenant une preuve directe d’un lien entre usage excessif de cannabis, dopamine et psychose, et il est crucial que les professionnels de santé et les patients en prennent conscience. »
Mais attention : l’étude ne dit pas que le cannabis cause directement la psychose. Elle indique qu’un usage intensif, prolongé, dans certains cas – notamment chez des jeunes vulnérables ou déjà prédisposés – peut exacerber un risque latent. Ce n’est pas un scoop dans le champ médical : les liens entre cannabis et troubles psychotiques sont étudiés depuis des décennies, avec un consensus fragile et nuancé.
Une généralisation abusive serait une erreur
Ce que cette étude ne doit pas devenir, c’est un prétexte pour alimenter une rhétorique prohibitionniste reposant sur la peur. Il est crucial de rappeler :
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Que la grande majorité des usagers de cannabis ne développent jamais de psychose.
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Que le facteur déterminant principal est souvent la vulnérabilité individuelle, souvent multifactorielle (génétique, traumatique, sociale, etc.).
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Que des substances légales comme l’alcool ou certaines amphétamines délivrées sur ordonnance peuvent également induire ou aggraver des états psychotiques.
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Que la criminalisation de l’usage aggrave les situations de détresse psychique, en empêchant un dialogue serein et un accompagnement adapté.
Un appel à l’information et à la réduction des risques
Le CIRC salue les efforts de la recherche qui permettent de mieux comprendre les mécanismes biologiques à l’œuvre. Mais nous insistons : informer n’est pas effrayer. Il faut sortir du réflexe pavlovien qui assimile encore trop souvent « psychose » à « cannabis ».
Ce que cette étude appelle, c’est à :
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Une meilleure éducation sur les risques liés à une consommation intensive et précoce.
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Des ressources en santé mentale réellement accessibles aux jeunes usagers.
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Un cadre légal et sanitaire clair, où les consommateurs ne sont pas stigmatisés, mais soutenus.
Pourquoi la légalisation est aussi une chance
Depuis la légalisation au Canada, on observe effectivement une augmentation des signalements d’épisodes psychotiques liés au cannabis dans les urgences psychiatriques. Mais cela peut aussi s’expliquer par une meilleure détection, un moindre tabou autour de la consommation, et plus de jeunes consultant sans crainte d’être criminalisés. L’accès à un cadre légal offre la possibilité de prévenir, dialoguer, encadrer. Là où la prohibition ne fait qu’alimenter les risques.
En France, où la prohibition prévaut toujours, les jeunes en situation de mal-être psychique sont souvent livrés à eux-mêmes, ou réprimés sans accompagnement. Une légalisation intelligente, fondée sur la santé publique et les droits fondamentaux, reste plus que jamais nécessaire.
Pour aller plus loin :
Référence de l’étude originale :
Ahrens J, Ford SD, Schaefer B, et al. Convergence of cannabis and psychosis on the dopamine system. JAMA Psychiatry. 2025.
DOI : 10.1001/jamapsychiatry.2025.0432
🎥 Un moment précieux à revoir !
Nous vous invitons à (re)-écouter cette interview du Docteur Philippe Batel, psychiatre addictologue, réalisée par Anna, lors du tout premier Appel du 18 Joint, en 2012, organisé avec nos camarades de l’association Tahiti Herbe Culture 🌿🇵🇫
Un échange riche, lucide et engagé, qui reste d’une grande actualité sur les enjeux de santé publique liés au cannabis.
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