Tous les jours, le club des correspondants décrit comment un même fait d’actualité s’illustre dans plusieurs pays. Ce vendredi, on s’intéresse au cannabis.
Le cannabis est de loin, la substance illicite la plus consommée en France. En 2021, 47,3% des adultes âgés de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie, d’après l’Office français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Dans notre pays le cannabis est un produit classé stupéfiant et son usage est interdit. Mais qu’en est-il ailleurs dans le monde ?
Pays-Bas : la vente légale autorisée depuis vendredi
Les fameux coffee-shops qui constellent le royaume sont les seuls à avoir le droit d’en vendre mais ils opèrent dans une « zone grise » : ils ont le droit de vendre du cannabis aux consommateurs mais, en théorie, l’achat auprès de leurs fournisseurs leur est interdit. On a donc une situation paradoxale d’un commerce semi-légal qui repose uniquement sur une politique de tolérance que les Bataves ont surnommée « la porte dérobée ».
Mais à partir du 15 décembre, tout change : les Pays-Bas ont entamé l’expérimentation de la vente légale de cannabis. Depuis vendredi matin, l’expérience a commencé à Bréda et Tilbourg, deux villes du Brabant-septentrional, province du sud des Pays-Bas. Une deuxième phase devrait être enclenchée dans les mois qui viennent pour étendre l’expérimentation à une dizaine de villes dont Nimègue, Maastricht ou Amsterdam. Cette phase-là devrait durer quatre ans et l’ambition est à terme de pouvoir proposer ce cannabis légal pour l’ensemble des quelque 573 coffee-shops que comptent les Pays-Bas.
La loi a été votée en 2019 mais il a fallu du temps pour lancer cette expérimentation car la culture et le commerce de ce cannabis légal seront très encadrés. Les Pays-Bas ont déjà limité le droit d’acheter du cannabis aux citoyens néerlandais et aux détenteurs d’un permis de séjour et l’espoir est que le cannabis légal amène la disparition des circuits illégaux de distribution.
Canada : cinq ans après la légalisation, le marché redescend
La vente de marijuana récréative est légale depuis 2018, mais les quelque 900 producteurs ne nagent pas forcément dans le bonheur. Avec presque 30 milliards d’euros injectés dans l’économie canadienne depuis la légalisation, on pourrait penser que l’industrie du cannabis constitue un véritable eldorado. Pourtant, depuis quelque temps, rien ne va plus. Les entreprises cotées en bourse revoient leurs investissements à la baisse. Canopy Growth, un des fleurons du secteur, a dû se départir de son siège social en Ontario et licencie des centaines d’employés. Un autre, Aurora Cannabis, produit maintenant des orchidées en plus du cannabis pour équilibrer ses comptes.
Les investisseurs ont peut-être eu les yeux plus gros que le ventre. Ils ont inondé leur marché avec leurs produits, et forcément le prix a baissé. Sauf que les coûts de revient restent, eux, très élevés. En fait seulement 20% des quelque 900 producteurs réaliseraient des profits actuellement. Face à une telle crise, les associations de producteurs se tournent vers le gouvernement. Elles réclament une baisse des taxes fixes imposées sur chaque gramme vendu. Et surtout, l’industrie légale voudrait que les autorités s’attaquent davantage au marché criminel. 40% des ventes se font toujours sur le marché noir, autant de consommateurs qui échappent aux producteurs qui en ont pourtant désespérément besoin.
Thaïlande : après un an de dépénalisation, vers un usage restreint ?
En Thaïlande, le cannabis a été retiré de la liste des narcotiques en juillet 2022. Depuis, les fleurs de cannabis sont en vente libre mais une partie de la société civile fait pression pour revenir en arrière. Certains médecins accusent désormais la dépénalisation d’être à l’origine d’une recrudescence d’accidents de la route et de causer des dommages aux adolescents thaïlandais, notamment dans les provinces les plus pauvres, dans le nord-est du pays.
Un projet de loi est à l’étude, il ne s’agirait pas de recriminaliser le cannabis, mais plutôt d’en restreindre l’usage, officiellement uniquement à des fins médicales. La vente libre des fleurs de cannabis serait donc bientôt interdite, et la nouvelle version de la loi pourrait imposer la présence d’un médecin sur les lieux de vente. Mais un retour en arrière total, notamment dans les zones touristiques ne semble aujourd’hui pas probable, tant les enjeux économiques sont importants : le marché du cannabis en Thaïlande est estimé à près d’un milliard d’euros.