Ce jeudi 23 janvier 2025, Éric Piolle, maire de Grenoble, était l’invité du 8h30 l’info sur France Info. Interrogé sur l’explosion du trafic de cocaïne en France, Éric Piolle a livré un constat sans concession sur l’échec de la politique répressive et a appelé à une approche pragmatique. Bien qu’il suggère un référendum sur la légalisation du cannabis, le CIRC estime qu’une telle initiative, bien qu’audacieuse, pourrait se heurter à un mur d’incompréhension publique, nous y reviendrons plus loin dans l’article.
Un constat accablant sur les conséquences du tout-répressif
Lors de son intervention, Éric Piolle a dénoncé « une absence de vision stratégique » dans la lutte contre le trafic de drogue. Il a énuméré les signes visibles du narcotrafic qui gangrènent non seulement Grenoble mais aussi le reste de la France. Ce constat est révélateur : « On met de plus en plus de gens en prison et pour autant, le trafic est toujours aussi élevé », observe-t-il. Les récidives atteignent 50 %, et les opérations éclatantes des ministres de l’Intérieur successifs sont qualifiées par le maire de « coups de menton » sans effet durable.
Ce qu’il dénonce ici n’est pas seulement l’inefficacité, mais le caractère criminogène de la prohibition : elle nourrit les multinationales du narcotrafic, exacerbe les violences urbaines, et précarise les populations les plus vulnérables.
Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la police, propose une analyse approfondie de l’évolution des différentes formes de délinquance. Il décrypte leur traitement médiatique et explore les méthodes les plus efficaces pour les combattre. Dans cette interview, il invite la sociologie à enrichir le débat sur la délinquance, dévoilant une réalité souvent occultée par les médias mainstream et les logiques politiciennes.
Dans cet extrait que nous vous proposons, Sébastian Roché répond à une question essentielle : Comment comprendre les violences liées à la drogue ? Il livre une analyse éclairante sur cette problématique, tout en abordant la question des drogues dans une perspective plus large.
Pour découvrir l’interview dans son intégralité, rendez-vous ici
Un appel à une société plus juste et à une responsabilité collective
Éric Piolle lie cette consommation croissante de drogues à une société en souffrance. Il ne s’agit pas simplement de réprimer, mais d’agir en amont pour éliminer les causes profondes : le mal-être social et économique. « Nous devons lutter férocement contre le narcotrafic, mais aussi pour l’émancipation des jeunes et leur proposer des solutions », plaide-t-il. La responsabilité des institutions envers les parents et les jeunes est centrale dans sa vision.
La question du référendum pour la légalisation du cannabis : audace ou précipitation ?
Lors de son passage sur France Info, Éric Piolle, a proposé un référendum sur la légalisation du cannabis et appelle à un débat national. Le CIRC exprime de sérieuses réserves quant à la méthode préconisée. L’idée d’un référendum semble séduisante au premier abord, mais elle est profondément problématique pour plusieurs raisons :
- Une opinion désinformée et manipulable
Après plus de 50 ans de désinformation systématique, où l’opinion publique a été nourrie de faits divers exagérés et instrumentalisés à des fins idéologiques, il est irréaliste d’espérer un vote éclairé. La moindre actualité anxiogène ou un fait divers dramatique la veille du scrutin pourrait influencer une décision cruciale pour des décennies. Ce contexte de manipulation médiatique rend un référendum particulièrement dangereux sur un sujet aussi complexe et clivant.
- Un référendum, c’est un piège
L’histoire récente offre des exemples édifiants, comme en Nouvelle-Zélande en 2020, où une proposition pourtant bien pensée de légalisation a été rejetée lors d’un référendum. En cas d’échec, ce mode de consultation enterre le sujet pour des années, voire des décennies. Pour les millions de consommateurs concernés et pour la santé publique, cette perspective est inacceptable. Miser sur un référendum, c’est prendre le risque de renforcer le statu quo, un statu quo que nous combattons depuis des décennies.
- Une majorité silencieuse difficile à mobiliser
La France compte environ cinq millions de consommateurs réguliers de cannabis, mais ils ne constituent pas un bloc homogène et mobilisé. Face à eux, des millions de citoyens sans opinion claire, piégés dans des amalgames simplistes comme « drogues = insécurité », ou qui se sentent peu concernés, pourraient pencher vers un refus. Le résultat d’un référendum dépendrait davantage des peurs alimentées par l’actualité que d’une analyse rationnelle et éclairée.
Une approche législative réfléchie et pragmatique
La légalisation du cannabis mérite mieux qu’un vote binaire et potentiellement piégé. Elle nécessite une approche législative réfléchie, fondée sur des débats approfondis, des expertises scientifiques et sociétales, et un engagement politique fort. Il est temps de sortir de l’immobilisme et d’en finir avec une prohibition criminogène et contre-productive.
Au CIRC, nous soutenons l’idée d’un débat national ouvert et honnête, mais nous réaffirmons que la voie législative est la meilleure pour faire avancer la société sur cette question. Nous appelons les décideurs à ne pas céder à la facilité du référendum et à privilégier une réforme fondée sur la raison et la justice.
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