Une équipe de chercheurs lyonnais a mis en évidence le rôle complexe du cannabis dans la psychose. Parmi ces consommateurs de cannabis atteints de psychose, certains symptômes sont exacerbés (hallucinations, délires), tandis que d’autres sont atténués (repli, isolement social), en comparaison avec des non-consommateurs. Un article publié dans e-ClinicalMedecine
Les troubles psychotiques, en particulier la schizophrénie, se caractérisent par les symptômes dits « positifs » (comme les délires et les hallucinations) et des symptômes dits « négatifs » (tels que le repli, l’isolement social et l’incurie).
Il est actuellement bien établi que les personnes souffrant de troubles psychotiques ont une consommation de cannabis exceptionnellement élevée. On estime que 2/3 des individus avec des troubles psychotiques ont, ou ont eu, un usage de cannabis (1). De plus, lorsqu’il y a consommation, la fréquence (par exemple, le nombre de joints par jour) est également supérieure à celle de la population générale qui consomme du cannabis.
Ce lien épidémiologique solide entre troubles psychotiques et cannabis a suscité deux principales hypothèses :
1) l’association serait expliquée par un rôle toxique du cannabis, c’est-à-dire que le cannabis provoque les troubles psychotiques ; et/ou
2) un rôle autothérapeutique du cannabis, c’est-à-dire que le cannabis réduit les symptômes psychotiques.
Ces dernières années, l’hypothèse numéro 1 (cannabis « toxique ») semblait prendre le dessus. En effet, de nombreuses études avaient notamment montré que le tétrahydrocannabinol (THC), principal composant du cannabis, avait un fort potentiel pro-psychotique, et que la consommation de cannabis était liée à une évolution plus défavorable des troubles psychotiques. Cependant, l’hypothèse 2 (cannabis « protecteur ») n’était pas totalement écartée pour autant. Les individus concernés rapportaient un effet anxiolytique et anti-ennui du cannabis (plus que d’autres substances psychoactives), et certains autres composés du cannabis, comme le cannabidiol (CBD), semblaient avoir des effets bénéfiques sur certains symptômes de psychose.
Pour la première fois à l’échelle internationale, une équipe de chercheurs lyonnais a rassemblé les données individuelles des travaux menés dans le monde entier qui examinaient le lien entre cannabis et symptômes psychotiques. Les résultats de cette étude, portant sur plus de 3 000 patients suggèrent que le cannabis pourrait jouer un rôle à double facette :
– à la fois toxique (en renforçant) car il est associé à des symptômes positifs plus sévères (délire, hallucinations),
– et protecteur car associé à des symptômes négatifs moins sévères (repli, isolement social).
Les prochaines étapes consisteront à démontrer le lien de causalité entre le cannabis et ces associations, ainsi qu’à identifier les différentes molécules impliquées dans cet effet à double sens.
Cette étude a été financée par Le Vinatier, établissement psychiatrique universitaire de Lyon Métropole de premier plan en France, reconnu pour sa production scientifique au niveau national et européen.
(1) Par comparaison, dans la population générale française (qui est l’une des principales consommatrices de cannabis en Europe), le taux d’usage vie-entière de cannabis est de 46%
Les principaux scientifiques impliqués dans ce travail : Mathilde Argote, étudiante en doctorat de neurosciences ; Benjamin Rolland, psychiatre, addictologue, responsable du Service Universitaire d’Addictologie de Lyon, chercheur dans l’équipe INSERM-CNRS-UCBL1 « PSYR2-CRNL » ; Guillaume Sescousse, chercheur INSERM dans l’équipe INSERM-CNRS-UCBL1 « PSYR2-CRNL »
Communiqué de presse, CH Le Vinatier, 3 septembre 2023
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