L’ouverture d’une « cannabinothèque » à Vernier, Genève : une approche novatrice pour la régulation du cannabis récréatif
Le canton de Genève s’apprête à lancer un essai-pilote révolutionnaire en matière de régulation du cannabis récréatif. Une « cannabinothèque » ouvrira ses portes à Vernier en décembre, permettant ainsi d’approvisionner en cannabis récréatif de manière supervisée un groupe de mille volontaires. Cette initiative pionnière est le fruit de nombreuses années d’efforts conjoints de la société civile, des autorités locales et de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).
Sélection des participants
Le processus de sélection des participants a débuté le 1er octobre, avec des critères stricts à respecter. Les volontaires doivent être âgés d’au moins 18 ans, déjà consommer régulièrement du cannabis, s’engager à participer à des entretiens avec des chercheurs et remplir périodiquement des questionnaires. L’objectif est de garantir la participation active et engagée de personnes qui ont déjà une expérience de la consommation de cannabis.
Selon Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération et présidente de l’association ChanGE responsable de l’essai, l’essai-pilote d’une durée de trois ans sera aussi contrôlé que nécessaire tout en étant participatif et inclusif. On estime qu’il y a environ 10 000 consommateurs de cannabis, pas forcément réguliers, dans le canton de Genève.
Les produits vendus dans la cannabinothèque seront fournis par une entreprise genevoise et respecteront des critères extrêmement stricts établis par l’OFSP pour garantir leur qualité et leur sécurité.
Engagement de la Ville de Vernier
La Ville de Vernier, fortement impliquée dans le projet depuis le début, accueillera la cannabinothèque. Cette décision témoigne de la volonté de la municipalité de faire face aux problèmes urbains liés au trafic de cannabis de manière pragmatique. Des contacts réguliers ont déjà été établis avec la police cantonale, et cette collaboration se poursuivra tout au long de l’essai.
Martin Staub, conseiller administratif de la commune, insiste sur la nécessité de trouver des réponses pragmatiques plutôt que de miser exclusivement sur une approche sécuritaire qui s’est avérée inefficace à long terme.
Un rôle pour la police : accompagner « une bulle de légalité »
Carole-Anne Kast, conseillère d’État en charge du Département des institutions et du numérique (DIN), souligne que le rôle de la police sera d’accompagner cette « bulle de légalité » pour qu’elle puisse être bien vécue et bien encadrée. Les forces de l’ordre partageront leur expérience avec l’association responsable du projet.
La cannabinothèque ne se limitera pas à la vente de produits. Elle aura également pour mission d’informer le public sur les risques liés à la consommation de cannabis et de mettre en place des mesures de protection de la jeunesse et de la santé.
Un projet axé sur la recherche et l’observation du terrain
L’essai-pilote ne se contente pas de réguler la vente de cannabis. Il s’agit également d’une opportunité unique d’accéder de près aux consommateurs et de mener une évaluation scientifique approfondie de ses effets. Cette évaluation sera réalisée conjointement par les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et l’Université de Genève (UNIGE).
Le professeur de sociologie à l’UNIGE, Sandro Cattacin, co-responsable de l’étude, explique que le questionnaire obligatoire permettra de recueillir des informations précieuses sur les habitudes de consommation, les éventuels changements dans le comportement des consommateurs et les effets sur le voisinage ainsi que sur la micro-criminalité.
Financement et perspectives futures
Le financement de l’essai-pilote repose en grande partie sur la vente des produits, ainsi que sur des subsides provenant de deux fondations. Le fonds dédié à la lutte contre la drogue et à la prévention de la toxicomanie contribue à hauteur de 60 000 francs par an.
Cette expérience pilote à Genève marque une étape importante dans la régulation du cannabis récréatif en Suisse. Avec le soutien de l’OFSP et l’engagement de plusieurs villes et cantons, d’autres projets similaires sont en cours d’examen, ouvrant la voie à une approche plus réfléchie et scientifique de la consommation de cannabis dans le pays.
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