La culture du cannabis industriel à Maurice a débuté dans le silence absolu. Le projet avait été annoncé l’année dernière. Cependant, l’opacité totale autour de cette culture, qui a commencé sans annonce ni plan défini, suscite des questions et des réactions.
La culture du chanvre se fait sous l’égide du Food and Agricultural Research and Extension Institute à Réduit. Il nous revient qu’une première récolte aurait déjà eu lieu et l’instance se prépare à procéder à la deuxième dans les jours à venir. Quand est-ce que le projet a débuté ? Quel type de cannabis industriel est utilisé ? Qu’est-ce qui en est fait après la récolte ? Autant de questions sans réponses. Au niveau du FAREI, l’on avance que le responsable n’est pas au pays et que toute communication se fera à son retour. Nos sollicitations au ministère de l’Agro-industrie sont restées vaines.
Pour rappel, le projet de culture de cannabis industriel avait été annoncé dans les décisions du conseil des ministres le 6 août 2021. Il était question de l’importation de 5 kg de chanvre pour le lancement du projet pilote. Il avait aussi été précisé que le chanvre contient moins de 0,3% de THC, contrairement au marijuana. Puis, le 26 avril de cette année, lors d’une réponse parlementaire à Sandra Mayotte, le Dr Kailesh Jagutpal avait annoncé que la Chambre d’agriculture avait proposé «to set up a National Steering Committee comprising stakeholders from both private and public sectors for the local production of industrial cannabis. The idea is to develop this potentially new economic avenue for the agricultural and pharmaceutical industries». Au 16 novembre dernier, alors que la culture avait déjà débuté, la Chambre d’agriculture était toujours en attente des réponses des autorités quant à la mise sur pied des comités qui se pencheront sur ce dossier. Cependant, la Chambre d’agriculture n’a pas été mise au courant des avancées du projet.
Un petit pas
L’opacité autour du projet suscite des interrogations. Percy Yip Tong, membre fondateur du Collectif Urgence Toxida, estime que la culture est un petit pas. «Le plus important est de savoir ce qui va être fait. On sait que la terre de Maurice est appropriée. Selon les amendements à la Dangerous Drugs Act, le cannabis médicinal sera importé. Donc, quel tests seront conduits et qu’est-ce qui sera fait avec cette plante», se demande-t-il. Il déplore aussi le fait qu’aucune information sur les graines n’ont été communiquées et de ce fait, personne ne sait s’il s’agit de semences bio ou génétiquement modifiées.
La nouvelle a aussi pris Reetesh Dawoo, président de la Mauritius Hemp Association, de court. Depuis le début, il avait offert son aide aux autorités. Surtout qu’à travers les partenariats de son association, il avait pu proposer des formations sur la transformation du chanvre gratuitement. «Nous savons comment le traiter pour faire du plastique par exemple. Il faut savoir ce que nous voulons en faire dès le début. Si on veut faire du ‘hardwood’, le traitement de la plante, dès la récolte, est différente de celui pour un projet de plastique», avance-t-il. Reetesh Dawoo affirme aussi que les nombreux mails, pour proposer les aides gratuites de ses contacts de l’Inde, l’Afrique du Sud et États-Unis, sont restés sans réponse. «Et là, nous ne savons même pas quel type de cannabis industriel, ni le taux de THC que cela contient. Il est impensable que la société civile et les organisations, qui ont tout le savoir-faire, n’ont pas été consultés», fustige-t-il. Il estime que la moindre des choses aurait été une communication sur la culture, ce qui a été fait de la première récolte et ce que les autorités feront de la nouvelle.
De son côté, Amrish Lachooa, porte-parole de Cannabis Legalisation and informative movement (CLAIM), est tout aussi dans le flou. D’ailleurs, cela fait un moment que l’ONG a proposé de soumettre un Business Plan pour le cannabis industriel. «Mais là, avec cette opacité, on ne peut rien faire. C’est triste car c’est une industrie porteuse. Mais sans information, personne ne saura ce qui se passe alors que nous voulons aider», dit-il.
En quoi sera transformée la récolte ? Est-ce que des contrats ont déjà été alloués ? Ce sont autant de questions qui sont en attente de réponse…