Quand la répression prend le pas sur la raison.
Dans un revirement aussi spectaculaire qu’inquiétant, Gil Avérous, maire de Châteauroux, a abandonné son engagement pour une approche pragmatique et réfléchie sur la question du cannabis. De fervent défenseur d’une expérimentation locale pour la légalisation, il prêche désormais pour une doctrine répressive, rejoignant le camp des défenseurs de la prohibition. Mais que s’est-il passé pour qu’un homme politique autrefois visionnaire adopte une posture si rétrograde ?
Une volte-face symptomatique d’un malaise politique
En 2020, Gil Avérous surprenait en se démarquant de son propre parti, signant une tribune dans le Journal du Dimanche plaidant pour la légalisation du cannabis. Il dénonçait alors l’inefficacité des politiques prohibitives et soulignait les avantages d’un contrôle étatique de la filière : sécurité, prévention, et réduction des trafics. Une position qu’il réitérait encore en 2023, appelant à expérimenter un modèle local de légalisation.
Aujourd’hui, le discours a changé. Dans une intervention récente, Gil Avérous a déclaré qu’il fallait « terroriser les trafiquants avec des peines de prison ferme » *, tout en imputant les problèmes d’insécurité et de violences urbaines à la prolifération des mafias liées aux trafics de drogues. * Article réservé aux abonnés
Une justification bancale
Le maire avance deux arguments pour défendre son point de vue :
- L’augmentation du taux de THC. Il prétend que le cannabis moderne serait plus dangereux, provoquant une dépendance accrue et poussant les consommateurs vers des drogues plus dures comme la cocaïne. Cet argument est alarmiste et repose sur une méconnaissance évidente du sujet. Parler du taux de THC sans comprendre les véritables enjeux liés à la régulation du cannabis démontre un manque de crédibilité. Prenons l’exemple de la prohibition de l’alcool aux États-Unis : durant cette période, personne ne s’inquiétait du degré d’alcool des boissons. Lorsque la prohibition a pris fin, les autorités n’ont pas choisi de légaliser uniquement les boissons faiblement alcoolisées tout en continuant d’interdire les spiritueux. Non, elles ont tout légalisé, car elles savaient que la clé pour limiter les risques et réduire la violence résidait dans la régulation et le contrôle, et non dans l’interdiction. De la même manière, il est aujourd’hui impératif de réguler l’ensemble du marché du cannabis plutôt que de persister dans une approche répressive et inefficace.
- L’insécurité croissante. Le maire évoque les récents événements violents à Châteauroux, comme un homicide en 2024, qu’il attribue aux trafics de stupéfiants. Mais cet argument est tout aussi fragile. Comment peut-on croire que plus de répression et de sanctions pourraient réduire la violence liée au trafic de drogue ? L’interdiction alimente les réseaux criminels en leur garantissant un monopole sur le marché. C’est justement cette prohibition qui est à l’origine des conflits et de la violence, comme le montrent les échecs des politiques répressives ailleurs dans le monde. La répression n’a jamais fait disparaître les trafics ; au contraire, elle exacerbe les tensions et les dérives criminelles.
Ces arguments ne tiennent pas face à une analyse sérieuse. Si le cannabis illégal devient plus puissant, c’est précisément parce que la prohibition laisse le contrôle du marché entre les mains des trafiquants, sans aucun cadre de régulation. Et si la violence augmente, c’est bien parce que les politiques répressives entretiennent un cercle vicieux. Dans ce contexte, les propos du maire de Châteauroux ne font que refléter l’échec persistant des approches fondées sur l’ignorance et la répression. La seule voie réaliste et responsable est celle de la régulation et du contrôle, qui seuls peuvent protéger à la fois la santé publique et la sécurité de nos concitoyens.
L’opportunisme politique en toile de fond
Ce revirement spectaculaire de Gil Avérous pose une question : s’agit-il d’une évolution sincère de ses convictions ou d’un opportunisme politique ? Le maire semble désormais aligné sur les discours répressifs dominants, notamment ceux portés par Bruno Retailleau et une frange dure des Républicains. En se positionnant comme le héraut d’une politique de fermeté, il cherche peut-être à séduire un électorat conservateur inquiet face à l’insécurité.
Une politique répressive aux effets criminogènes
Au-delà des incohérences du discours, ce changement de cap illustre un refus de tirer les leçons de décennies de prohibition. Le trafic de cannabis prospère parce qu’il est illégal, et non malgré la répression. En refusant d’envisager une légalisation régulée, le maire de Châteauroux renforce un système criminogène qui nourrit les mafias, alimente les violences et stigmatise les consommateurs.
Un appel à la cohérence et au courage politique
Le Collectif d’Information et de Recherche Cannabique (CIRC) regrette ce virage à 180 degrés, qui renonce à une politique de santé publique pour embrasser une approche punitive et inefficace. Nous invitons Gil Avérous à revenir à la raison, à écouter les experts et à se souvenir des arguments qu’il défendait avec conviction il y a encore peu de temps.
Car si « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », il est aussi essentiel de ne pas renier ses propres principes au détriment de l’intérêt général. La prohibition est une impasse ; il est temps de le reconnaître et d’agir en conséquence.
Pour une légalisation responsable et pragmatique : un appel à la raison
La société a besoin de dirigeants courageux, capables de rompre avec des dogmes dépassés pour proposer des solutions audacieuses et efficaces. La prohibition a démontré, année après année, son inefficacité et son caractère criminogène. Maintenir ce statu quo, c’est continuer de cautionner un système qui nourrit les mafias, alimente la violence et stigmatise des millions de citoyens.
Aux élus, nous lançons un appel solennel : ne vous rendez pas coupables ou complices de cette inertie. Ne rien faire, c’est cautionner les ravages d’une politique qui a échoué sur tous les fronts.
L’histoire jugera sévèrement ceux qui, par idéologie ou par opportunisme, auront tourné le dos à la raison et aux solutions pragmatiques. Un jour prochain, vous aurez des comptes à rendre devant les générations futures, qui vous demanderont pourquoi vous avez laissé perdurer une politique aussi injuste qu’inefficace.
Nous vous exhortons à agir, à faire preuve de courage politique et à rejoindre le camp de ceux qui défendent une régulation responsable et humaine du cannabis. Car chaque jour de plus dans l’immobilisme, c’est un jour de trop dans une situation dont les conséquences sont dramatiques pour la société tout entière.
Le changement est entre vos mains. Ne choisissez pas l’inaction, choisissez la raison !
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