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Après que la Cour de justice européenne a interdit d’interdire la commercialisation en France du cannabidiol (CBD), la molécule légale du cannabis, c’est au tour de la Cour de cassation de se prononcer sur sa légalité depuis le 16 février. En attendant son arrêt courant mars, les boutiques de cannabis légal se multiplient à folle allure dans le pays.
La France cultive aussi bien le chanvre que les paradoxes. Première productrice de chanvre en Europe, la France est aussi le pays européen le plus strict sur son usage. Peut-être le moins clair aussi sur le plan juridique. « Mais les choses sont en train de changer en la matière », assure Aurélien Delecroix, président du Syndicat professionnel du chanvre (SPC), dans un entretien accordé à France 24.
Mardi 16 février, la Cour de cassation a été saisie pour trancher sur la commercialisation du cannabidiol (CBD) en France. Depuis quelques années seulement, de plus en plus de boutiques de chanvre fleurissent sur le territoire. Spécialisée dans le bien-être, ces échoppes d’un genre nouveau proposent à la vente des produits à base de CBD. Cette substance issue du chanvre n’a pas d’effet psychotrope et n’entraîne pas de dépendance. La molécule procure des effets relaxants distincts de ceux du tétrahydrocannabinol (THC), la molécule psychotrope aux effets euphorisants et addictifs que l’on trouve dans le cannabis illégal.
Problème : à ce jour, la législation française n’autorise pas la commercialisation du CBD. Les agriculteurs ont bien le droit de faire pousser du chanvre sur leurs terres, mais n’ont le droit de vendre ni les fleurs ni les feuilles de la plante qui contiennent la fameuse molécule. En vertu d’un arrêté de 1990 sur les stupéfiants, la législation française n’autorise que la culture et la commercialisation des fibres et des graines de la plante, si leur teneur en THC est inférieure à 0,2 %.
Il est interdit d’interdire, selon Bruxelles
Pour poursuivre leurs activités, ces boutiques s’alignent sur le droit européen. La justice européenne a en effet été saisie en 2018 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, après que deux promoteurs marseillais de la « Kanavape », une cigarette électronique au chanvre, ont été condamnés à 18 et 15 mois de prison avec sursis. Ses concepteurs, qui prétendent que leur cigarette électronique au CBD lancée en 2014 est « 100 % légale », car elle respecte le taux maximal autorisé de 0,2 % de THC, ont ainsi saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Le 19 novembre 2020, la CJUE, moins restrictive en la matière, a jugé illégale l’interdiction du CBD décrétée en France, à rebours d’autres pays du continent, au nom de la libre circulation des marchandises. Elle a aussi estimé qu’il n’avait pas d’effet psychotrope ou nocif sur la santé, et qu’il ne pouvait être considéré comme un stupéfiant ou comme un médicament.
Depuis, les boutiques de produits CBD, encouragées par la législation européenne, poussent comme des champignons sur le sol français. Selon le SPC, le pays en compte près de 400, soit presque quatre fois plus qu’avant l’été 2018 et la vague de fermetures ordonnée par les autorités. Dans leurs rayons, on y trouve des produits à base de CBD dans des huiles sublinguales, des thés, du café, des tisanes, des sucreries, des cosmétiques, des compléments alimentaires, des e-cigarettes ou encore des fleurs, à fumer ou infuser.
Un marché porteur
Ses adeptes trouvent dans ces nouvelles échoppes des produits qui leur permettent de soulager toutes sortes de maux : apaiser des douleurs menstruelles, calmer des insomnies ou tout simplement pour se détendre. Loin des coffee shops que l’on peut notamment trouver à Amsterdam, ces boutiques lumineuses et accueillantes se veulent plus rassurantes pour attirer une nouvelle clientèle.
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Le marché pèse aujourd’hui 150 à 200 millions d’euros et pourrait atteindre le milliard d’euros d’ici à 2023 si le flou juridique qui l’entoure est levé, estime-t-on du côté du syndicat. « La décision de la Cour de cassation va être décisive pour le développement d’activité car l’actuelle législation freine le marché », explique Aurélien Delecroix.
En attendant son arrêt qui doit être rendu courant mars, le responsable associatif est confiant. « Les trois dernières affaires qui ont été jugées en appel concernant des commerce de produits CBD n’ont pas abouti à des condamnations, poursuit le responsable associatif. Les trois prévenus ont été relaxés, leur matériel saisi leur a été rendu. Ces derniers temps, la justice française peut difficilement aller à l’encontre du droit européen. Donc je ne suis pas inquiet sur la décision de la Cour de cassation. »
Vers une nouvelle règlementation
Sur le plan politique, certains élus essaient également de faire bouger les lignes. Une consultation citoyenne lancée à l’initiative de députés est ouverte en ligne – depuis le 13 janvier jusqu’au 28 février –, pour amener les responsables politiques à réexaminer l’approche française désormais en décalage avec celle de nombreux pays européens. La consultation a deux objectifs : mieux comprendre la perception qu’ont les Français du cannabis et connaître leur vision de l’avenir des politiques publiques sur ce sujet.
Parallèlement, la mission Mildeca, placée sous la tutelle du Premier ministre, tente également de son côté de s’accorder sur une nouvelle règlementation en coordination avec de nombreux ministères impliqués comme la Santé, l’Agriculture, l’Intérieur, la Justice ou encore l’Économie.
Face aux réticences qui demeurent, toute la filière du chanvre se veut avant tout responsable et rassurante pour les consommateurs. « Nous ne sommes pas des phamarciens, le CBD n’est pas un médicament. Ni des dealers, le CBD n’est pas une drogue. À nous de faire adopter par toute la filière du chanvre les bonnes pratiques pour prouver que notre activité est sans risque. »
Source : France24.com