Un an après l’annonce par la ministre espagnole de la Santé, Mónica García, de son projet de régulation de l’usage du cannabis à des fins médicales, un projet de décret royal a été soumis à la Commission européenne de la Santé, comme l’exige la réglementation communautaire. Bruxelles a maintenant trois mois pour analyser et répondre à cette initiative. En cas de retour positif, l’Espagne pourrait promulguer sa première régulation officielle du cannabis médical dès cet été, après l’avis du Conseil d’État et l’adoption finale par le Conseil des ministres.
Cette initiative marque une étape importante, mais elle demeure restreinte dans son champ d’application. Le texte prévoit l’usage exclusif de préparations magistrales à base de cannabis pour traiter une liste limitée de pathologies :
- spasticité due à la sclérose en plaques
- épilepsie réfractaire
- douleur chronique réfractaire
- effets secondaires des traitements chimio thérapeutiques.
Ces préparations ne seraient disponibles que dans les pharmacies hospitalières et uniquement en cas d’échec des traitements conventionnels. De plus, la consommation de fleurs de cannabis, y compris par vaporisation, est totalement exclue, malgré son efficacité prouvée pour certaines pathologies comme la fibromyalgie, les migraines ou le stress post-traumatique.
En Espagne, cette démarche ne prend pas en compte les clubs sociaux de cannabis, qui fournissent pourtant depuis des années des fleurs et des huiles à usage thérapeutique. Le principal bénéficiaire de ce projet semble être l’industrie pharmaceutique, qui a réalisé une croissance significative en Espagne ces dernières années. En 2023, 51,3 tonnes de cannabis ont été récoltées, soit une augmentation de 42,5 % par rapport à l’année précédente.
La situation en France : une impasse pour les patients
Pendant que l’Espagne progresse, bien que lentement et de manière imparfaite, la France reste bloquée. Depuis près d’un an, le gouvernement français n’a pas déposé le décret nécessaire pour autoriser les médicaments à base de cannabis, laissant ainsi des milliers de patients dans une impasse thérapeutique. Malgré une expérimentation du cannabis médical lancée en 2021 et présentée comme un progrès, aucun cadre légal durable n’a été instauré pour permettre l’accès à ces traitements.
Cette inaction française met en évidence un immobilisme politique face à une demande croissante de régulation du cannabis à usage médical. Contrairement à l’Espagne, où une tentative de cadre réglementaire est au moins en discussion, la France continue de stigmatiser les patients et les consommateurs, laissant prévaloir des positions prohibitionnistes obsolètes.
Comparaison et enjeux pour l’avenir
Bien que le projet espagnol présente de sérieuses lacunes, il constitue une base de dialogue et une reconnaissance de l’utilité thérapeutique du cannabis. En France, l’absence de progrès est doublement préoccupante : non seulement les patients sont privés d’accès légal à des traitements efficaces, mais le débat public sur le sujet reste étouffé par des arguments prohibitionnistes qui ignorent les réalités scientifiques et humaines.
La situation française illustre une approche régressive qui contraste avec les avancées observées dans d’autres pays européens. C’est bien la France qui, la première, a retiré les fleurs de cannabis de la pharmacopée, privant ainsi les patients d’un mode de consommation reconnu pour son efficacité, notamment en vaporisation. Cette décision, motivée par des arguments idéologiques plus que scientifiques, a suscité des critiques virulentes de la part des patients, des médecins et des associations. Le refus de considérer les fleurs comme une option thérapeutique met en péril la santé de nombreux malades atteints de pathologies graves ou chroniques, les poussant parfois à se tourner vers le marché noir pour se procurer les produits nécessaires à leur bien-être. Par ailleurs, le manque de dialogue avec les associations et les acteurs de terrain renforce l’incompréhension et l’injustice ressenties par les malades.
Il est urgent que la France cesse d’adopter une posture attentiste et s’engage dans une régulation équilibrée et pragmatique du cannabis à usage médical. Cela implique d’écouter les patients, les médecins et les associations, tout en s’inspirant des bonnes pratiques à l’étranger. Si l’Espagne parvient à adopter son décret cet été, cela renforcera la pression sur les autorités françaises, qui devront justifier leur inaction auprès des citoyens et des malades.
Conclusion
Le retard français sur la régulation du cannabis médical est une honte nationale qui met inutilement en danger des milliers de patients. Pendant que l’Espagne avance avec prudence, la France reste coincée dans un immobilisme politique qui ne profite qu’au marché noir et aux préjugés. Il est temps que la France fasse preuve de courage et de pragmatisme pour mettre fin à cette situation intolérable. En s’appuyant sur des expériences internationales et en tenant compte des besoins réels des patients, le gouvernement français pourrait enfin combler ce retard et offrir une solution digne et humaine à ceux qui souffrent.
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