La France fait état d’une réaction très positive des patients à l’essai du cannabis médical, mais il est peu probable que les résultats influencent la décision de légaliser le cannabis.
L’expérimentation du cannabis médical en France, dans le cadre de laquelle 3 000 patients se voient offrir des produits gratuits, a donné lieu à une réponse extrêmement positive de la part des patients.
Selon les premières données cliniques publiées depuis le lancement de l’expérience en mars 2021, 91 % des patients se disent satisfaits du médicament.
Malgré cette réponse positive, les résultats ne devraient avoir que peu ou pas d’impact sur l’essai plus large du cannabis médical en France, qui a récemment été prolongé d’un an afin de recueillir davantage de données.
Bien qu’il s’agisse d’une excellente nouvelle pour les entreprises qui fournissent actuellement des produits pour l’essai, les fournisseurs devront désormais se soumettre à une procédure d’appel d’offres pour être sélectionnés pour fournir leurs produits pendant cette année supplémentaire, ce qui signifie qu’il n’y a aucune garantie qu’ils seront resélectionnés.
Des résultats positifs
Selon les données nouvellement publiées par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), au 18 octobre 2022, 2 204 patients ont été inclus dans l’expérimentation.
Parmi les 1 453 non retirés de l’étude, 792 étaient traités pour des douleurs neuropathiques réfractaires, 215 pour une spasticité douloureuse liée à la sclérose en plaques, 181 pour des épilepsies résistantes aux médicaments, 105 en oncologie, 104 en situation palliative et 56 pour une spasticité.
Pour les indications de douleurs neuropathiques résistantes aux traitements, les résultats ont montré que le cannabis médical a réduit le pourcentage de patients signalant une douleur « sévère » ou « insupportable » de 81% à seulement 29% après six mois.
Un peu moins d’un tiers des patients ont rapporté une réduction de 30% de leur score d’intensité de la douleur après six mois, selon le questionnaire du « Brief Pain Inventory » (BPI), tandis qu’un peu plus de 40% ont rapporté une réduction « significative » ou « très significative » de la douleur au troisième mois, une réduction qui s’est poursuivie après six et neuf mois.
Selon les données présentées par le Dr Nicolas Authier, professeur des universités et président du comité scientifique de l’ANSM sur le cannabis médical, 28% des 739 patients souffrant de douleurs neuropathiques ont abandonné l’expérience – 49% en raison d’effets indésirables et 41% en raison de l’inefficacité du traitement.
Les résultats ont été tout aussi positifs pour les patients en soins palliatifs, notamment en ce qui concerne l’insomnie et la douleur – 51 % ont signalé une « amélioration significative » et 45 % une « amélioration modérée ».
Dans l’ensemble de l’étude, 91 % des patients ont déclaré être en faveur de la légalisation du cannabis médical en France.
Son impact
Si les résultats sont très majoritairement positifs, ils devraient avoir peu d’impact sur le verdict du gouvernement français quant à la légalisation du cannabis à usage médical en France.
Tout d’abord, comme l’a souligné Nathalie Richard, directrice de l’ANSM, l’objectif de cet essai n’était « pas d’évaluer l’efficacité du cannabis médical, même si des données cliniques sont recueillies ».
Il vise au contraire à « évaluer, en situation réelle, les recommandations du comité en termes de conditions de prescription et de délivrance et l’adhésion des professionnels de santé et des patients à ces conditions », ne fournissant des données de sécurité et d’efficacité que comme « objectif secondaire ».
Benjamin-Alexandre Jeanroy, du cabinet de conseil sur le cannabis Augur Associates, basé à Paris, a fait écho à ces propos, ajoutant qu’il aurait été « surprenant » que ces résultats ne soient pas positifs, car ces indications ont été sélectionnées spécifiquement pour l’essai parce que le cannabis médical avait déjà été « évalué comme efficace ».
Bien que ces données ne signifient probablement pas grand-chose pour l’ensemble de l’essai, on s’attend à ce qu’elles constituent une aubaine pour les entreprises qui fournissent gratuitement des produits à l’essai depuis plus d’un an.
S’adressant à Marijuana Business Daily en 2020, le Dr Authier a déclaré : « Il ne serait pas légal de donner l’exclusivité aux fournisseurs, mais avec des centaines de patients déjà traités (à la fin de l’expérience) et des médecins habitués à prescrire leurs produits, c’est probablement un avantage marketing. »
Il a ajouté que ces entreprises seraient également « les premières sur le marché » en cas de légalisation du cannabis médical, et qu’elles feraient également des « économies » sur la recherche clinique.
Les entreprises qui fournissent actuellement à leurs propres frais l’expérience française sur le cannabis médical comprennent le géant canadien Aurora Cannabis en partenariat avec Ethypharm, Tilray en partenariat avec Medipha Sante, l’israélien Panaxia Pharmaceutical en partenariat avec Neuraxpharm France, l’australien Little Green Pharma en partenariat avec Intsel Chimos, et Emmac Life Sciences, qui a depuis été racheté par l’acteur américain Curaleaf.
Cependant, maintenant que le projet a été prolongé d’une année supplémentaire, rien ne garantit que ces accords d’approvisionnement resteront en place.
BusinessCann croit savoir qu’un deuxième appel d’offres est actuellement en cours et que les fournisseurs potentiels devront se soumettre à un processus de vérification rigoureux avant d’être sélectionnés.
La différence essentielle cette fois-ci est que les fournisseurs devraient être payés pour leurs contributions, l’Agence nationale de la santé et des médicaments ayant déjà demandé aux fournisseurs actuels une liste de prix pour estimer le coût de l’essai prolongé.
L’essai actuel doit se terminer en mars de cette année, et des questions subsistent quant au mode de financement de l’année suivante et au montant que les entreprises recevront pour leurs produits.