Alors que la France s’enferme dans une politique répressive stigmatisant les consommateurs de cannabis et limitant drastiquement l’accès au cannabis médical, nos voisins allemands avancent à grands pas. Depuis le 17 octobre 2024, une réforme historique permet aux médecins allemands de prescrire du cannabis médical sans approbation préalable des assurances santé, simplifiant considérablement l’accès pour les patients. Mais si ce modèle inspire des espoirs, il soulève aussi des controverses dans un pays où les avis restent divisés.
La réforme allemande : une simplification majeure
Jusqu’ici, obtenir une prescription de cannabis médical en Allemagne relevait du parcours du combattant : validation par l’assurance maladie, délais interminables, et lourdeur administrative. Mais grâce à une décision du Comité fédéral mixte (G-BA), publiée dans le Journal fédéral le 16 octobre 2024, cette procédure est désormais révolue.
Voici les grandes lignes de la réforme :
- Suppression de l’approbation préalable des assurances santé pour les prescriptions de cannabis.
- 16 spécialités médicales habilitées à prescrire sans autorisation préalable.
- Le cannabis, sous forme de fleurs séchées, d’extraits ou de médicaments comme le dronabinol et le nabilone, est accessible pour 90 % de la population assurée.
Cette avancée marque un véritable tournant pour les patients souffrant de douleurs chroniques ou de pathologies graves, qui bénéficient désormais d’un accès plus rapide et simplifié à ces traitements.
Un impact immédiat sur les patients et les médecins
Pour les médecins, cette réforme réduit la bureaucratie et leur permet de se concentrer sur l’essentiel : soigner. Désormais, environ 70 % des praticiens allemands peuvent prescrire du cannabis sans formalités supplémentaires. Cette simplification leur permet d’adapter les traitements de manière plus fluide et rapide.
Pour les patients, c’est une révolution. Plus besoin d’attendre des mois pour une validation administrative. Les traitements deviennent accessibles de manière quasi immédiate. Mais les experts pointent une possible augmentation des prescriptions privées, laissant en suspens la question des remboursements pour certains patients.
Les pharmacies, grandes gagnantes de la réforme
Avec cette réforme, les pharmacies allemandes jouent un rôle central dans le marché du cannabis médical :
- Une pharmacie typique en Basse-Saxe génère jusqu’à 50 000 € de bénéfices bruts mensuels grâce au cannabis.
- Des plateformes comme easycannabis.de expédient près de 30 kg de cannabis par mois, générant des revenus nets avoisinant les 30 000 € par mois.
Pourtant, malgré ces chiffres alléchants, seules 2 500 à 3 000 pharmacies se sont lancées. Les autres hésitent encore, freinées par les défis logistiques et la formation nécessaire à la gestion du cannabis.
Un modèle inspirant… mais critiqué
Si cette réforme semble être un modèle à suivre, elle divise en Allemagne.
Une opinion publique partagée
Deux sondages récents montrent que l’opinion publique allemande reste sceptique :
- Selon YouGov, 55 % des Allemands jugent la légalisation partielle erronée, contre 37 % qui l’approuvent.
- L’Institut Allensbach révèle que 48 % des sondés s’opposent à la réforme, alors que seulement 34 % la soutiennent.
Cette fracture est générationnelle : les jeunes (moins de 30 ans) sont majoritairement favorables à la légalisation (54 %), tandis que les seniors (plus de 60 ans) la rejettent massivement (62 %).
Des craintes sécuritaires
Les forces de l’ordre expriment également leur méfiance. Le Syndicat de la police allemande (GdP) estime que la réforme pourrait stimuler le marché noir et accroître la consommation. Malgré tout, aucune hausse significative de la charge policière ou de la criminalité liée au cannabis n’a été observée pour l’instant.
Quand la France regarde ailleurs
La France, pourtant prompte à suivre les exemples allemands sur d’autres sujets, reste curieusement silencieuse face aux succès et aux défis du modèle outre-Rhin. Alors que :
- Les patients français peinent à accéder au cannabis médical, parfois même en phase terminale.
- Les fleurs de cannabis ont été retirées de la pharmacopée, privant de nombreux malades d’une option thérapeutique efficace.
- Le marché noir continue de prospérer sous l’effet d’une prohibition criminogène.
Il est grand temps que la France ouvre les yeux sur les avancées européennes et cesse de stigmatiser ses citoyens. Si l’Allemagne peut offrir un accès simplifié au cannabis médical tout en surveillant les impacts sociaux, pourquoi la France persiste-t-elle à s’enfermer dans une politique de répression stérile ?
Vers une politique française plus humaine ?
L’exemple allemand montre qu’une légalisation partielle bien pensée peut dynamiser un marché tout en simplifiant l’accès pour les patients. Mais au-delà des chiffres, c’est une question d’humanité.
Le CIRC appelle à une réforme courageuse en France :
- Pour les patients, qui méritent des soins adaptés sans parcours d’obstacles.
- Pour les citoyens, qui ne devraient pas être criminalisés pour leur consommation.
- Pour la société, qui gagnerait à assainir un marché gangrené par le trafic.
La France a tout à gagner à regarder au-delà de ses frontières. Mais le fera-t-elle ? L’avenir du cannabis médical et de la légalisation nous le dira.
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