Dans une tribune publiée ce jeudi 28 septembre, 17 associations de patients demandent la légalisation du cannabis médical « dès l’année prochaine », à la suite de l’expérimentation en cours. Mais le gouvernement actuel semble faire la sourde oreille. Le Dr Pascal Douek, ancien médecin généraliste, atteint de sclérose en plaques et participant à cette expérimentation, nous avoue son incompréhension.
Ils sont 3 000 patients en France souffrant de pathologies lourdes, à expérimenter depuis 2021 le cannabis médical, ou cannabis thérapeutique pour soulager leur quotidien. L’objectif officiel avancé, en cas de résultats satisfaisants, était clair : rejoindre les autres pays européens dans la légalisation du cannabis médical, et permettre enfin aux patients une alternative aux traitements inefficaces. Mais après une première prolongation de l’expérimentation, qui prendra fin en avril prochain, rien n’est aujourd’hui acté, et aucune mention à ce sujet n’apparaît dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Une absence qui fait aujourd’hui réagir. Dix-sept associations de patients lancent ce jeudi 28 septembre dans les colonnes du Parisien « un appel aux pouvoirs publics pour assurer l’entrée dans le droit commun du cannabis médical dès l’année prochaine ».
Une réticence politique qui prime sur la santé
Alors que selon ces associations le projet de texte “est prêt et qu’il est sur la table”, pourquoi les premiers concernés semblent-ils laissés de côté ? Le dr Pascal Douek, l’un des membres actifs de cette tribune évoque un problème avant tout politique :
“On est un des derniers pays d’Europe à se lancer dans le cannabis médical. On y est d’ailleurs entré par la petite porte, celle de l’expérimentation pour démarrer dans un cadre qui ne fait rien bouger sur le plan légal. Et lorsque tout est prêt, nous faisons face à une réticence uniquement politique. François Braun qui a hérité du sujet l’an passé a botté en touche, et a proposé une prolongation. Aujourd’hui, Aurélien Rousseau (nouveau ministre de la Santé) reprend le dossier et se confronte au ministère de l’Intérieur qui a déclaré la guerre au cannabis depuis 2020 et ne comprend pas le cannabis médical. Il y a un conflit d’intérêt alors que le cannabis médical ne concerne pas l’intérieur, mais reste une affaire de santé ».
Une méconnaissance du cannabis médical qui perdure
Les différents gouvernements confondraient donc cannabis récréatif et cannabis médical et ce, depuis trop d’années selon le médecin.
“C’est une méconnaissance du sujet. Quand on parle de cannabis médical, on s’adresse à des malades qui ont des pathologies lourdes avec des symptômes invalidants, comme des douleurs neuropathiques, des scléroses en plaque, des épilepsies sévères, des cancers avancés ou encore des personnes en soins palliatifs. On n’est pas en train de parler de gens qui fument des pétards pour se détendre ! De plus, on sait aujourd’hui que l’expérimentation présente d’excellents résultats sur ⅔ des patients en souffrance. Ces éléments devraient générer une volonté de poursuivre vers une généralisation et une simplification des prescriptions. Mais nous sommes devant le plan de financement sécurité sociale et force est de constater que rien n’est prévu à ce titre ! ».
Quels recours sont possibles pour ces patients ?
Aujourd’hui, pour éviter que ces patients soulagés ne soient laissés de côté dès la fin de l’expérimentation, des tribunes commencent à s’élever, des professionnels de santé investis qui voient le bénéfice chez leurs patients, donnent aussi de la voix. Mais cela ne suffira sans doute pas pour généraliser le cannabis médical.
« L’expérimentation était une bulle qui permettait de ne pas affronter les aspects légaux. Mais la commercialisation du cannabis est tout simplement interdite. Aujourd’hui, il faut un travail législatif, pour faire entrer ces produits à base de cannabis dans le droit commun, pour qu’ils aient un statut bien cadré. Pour le moment, ils n’ont pas de statut donc ils n’existent pas. Ce que nous voulons c’est un amendement pour enfin autoriser l’utilisation de certains produits dans un contexte bien défini ».
Une décision « de santé » qui pourrait changer la vie de nombreux Français en souffrance. Selon le Dr Pascal Douek, si le cannabis médical était ouvert à toutes les personnes qui en auraient réellement besoin, cela pourrait soulager environ 300 000 patients qui souffrent actuellement.