Alors que 91% des Français sont favorables à la prescription du cannabis thérapeutique, le gouvernement veut prolonger une expérimentation menée depuis 2020, réservée à une minorité. Il est temps de légiférer, par exemple à travers la loi de finances de la sécurité sociale, demande un collectif de patients et de députés.
Tribune d’un collectif d’associations de patients et de plusieurs députés (majorité et opposition)
Depuis le 26 mars 2021, et malgré l’impact de la crise du Covid-19, plus de 2 100 patients ont déjà pu bénéficier de prescriptions de médicaments à base de cannabis sur toute la France (outre-mer compris) dans le cadre d’une expérimentation lancée il y a deux ans par le gouvernement.
Pour 300 000 patients français, enfants comme adultes, les thérapeutiques actuelles sont en échec pour soulager leur souffrance chronique et sévère. Ils attendent un accès, comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays européens, à ces médicaments à base de cannabis. L’expérimentation ne permettra au mieux qu’à 1% d’entre eux d’essayer ces thérapeutiques. Elle arrive à son terme, et il est temps de donner la possibilité aux 99% des patients restants d’essayer ces médicaments. Nous rappelons que la possibilité d’inclure 3?000 patients en traitement dans cette expérimentation avancée par le ministère n’est pas un objectif à atteindre pour valider le dispositif mais un simple calibrage financier.
Le temps est venu de donner une solution à toutes celles et tous ceux qui souffrent de douleurs chroniques sévères, de cancers, en situation palliative, d’épilepsies graves non soulagées par les thérapeutiques disponibles. Il est question ici de leur dignité et du respect que l’on doit, notamment au patient en fin de vie qui doit pouvoir être acteur de son traitement.
Malgré les rapports positifs et rassurants publiés il y a quelques jours, l’intégration de ces médicaments à base de cannabis médical au droit commun n’arrive pas. Le gouvernement s’émeut d’un manque de données. Paradoxal, alors que ses propres services concluent que le système actuel est «opérationnel et efficace», de quoi se mettre en ordre de marche pour assurer une généralisation.
D’ailleurs, le projet d’expérimentation n’avait pas vocation à démontrer l’intérêt du cannabis thérapeutique. L’efficacité des médicaments a déjà été validée depuis 2018 par l’Agence du médicament et le ministère de la Santé à partir des données scientifiques internationales. Et deux-tiers des patients traités dans l’expérimentation ont rapporté une amélioration significative de leur qualité de vie.
La question de l’acceptabilité sociétale n’est qu’une excuse ! En 2019, 91% des Français étaient déjà favorables à la prescription de médicaments à base de cannabis médical (sondage OFDT). On parle de médicaments, pas d’une drogue. A-t-on demandé aux Français de donner leur accord pour accéder à la morphine dans le cancer ?
Médecins et pharmaciens ont répondu présents
Notre système de santé est prêt ! Les médecins hospitaliers concernés savent maintenant prescrire ces médicaments, les pharmaciens d’officine ont répondu présents et dispenseront ces produits de santé en assurant la promotion de leur bon usage et leur pharmaco-surveillance.
Prolonger sans avancer serait une erreur. Il faut que cela soit une période de transition qui permettra de finaliser les arbitrages relatifs au statut de ces médicaments et aux questions de fixation de leur prix et de leur remboursement avec la garantie et l’engagement politique d’une entrée dans le droit commun de ces médicaments en janvier 2024.
Certains acteurs économiques souhaitent développer une filière française de production de ces médicaments depuis la culture de cette plante jusqu’à sa transformation en produits de qualité pharmaceutique. Nous demandons que l’accès à ces médicaments pour les patients qui n’ont aucune alternative thérapeutique ne dépende pas du développement de cette filière française qui ne sera opérationnelle que dans deux ou trois ans.
Si le système de santé est prêt et que la loi doit être changée, il vous revient, M. le ministre de la Santé, d’être au rendez-vous de l’histoire et de soutenir réellement l’avancée pour l’accès aux médicaments à base de cannabis, dès les débats menés cette semaine dans le cadre du projet de loi de finances de la sécurité sociale.
Premiers signataires: Mado Gilanton Présidente d’Apaiser S & C Nicolas Authier Professeur des universités et médecin hospitalier Caroline Janvier Députée Renaissance Sabrina Sebaihi Députée écologiste Isabelle Santiago Députée socialiste Michel Cymès Médecin Dominique Costagliola Epidémiologiste, directrice de recherches émérite à l’Inserm Marina Carrère D’Encausse Médecin Jean-Luc Romero-Michel Président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité de 2007 à 2021, adjoint à la mairie de Paris Geneviève Garrigos Pharmacienne, conseillère de Paris, présidente d’Amnesty International de 2008 à 2016 Marie-Hélène Berrue-Gaillard Présidente Alliance maladies rares Nadine Attal Professeure des universités et médecin hospitalière thérapeutique médecine de la douleur Laure Copel Cheffe de service en soins palliatifs Françoise Durand-Dubief Praticien hospitalier, neurologue Centre sclérose en plaques Carole de Mulatier Unisep, sclérose en plaques Patrick Baudru Epilepsie France Rachida Badaoui ImaGyn, cancers gynécologiques Ivan Krakowsky Professeur des universités, oncologue médical, médecin de la douleur, président de l’Afsos William Lowenstein Médecin interniste et addictologue Amine Benyamina Professeur des universités, président de la Fédération française d’addictologie.