Une étude révolutionnaire, conduite sur une période de 20 ans, a examiné les liens entre le tabac, le cannabis et la fonction pulmonaire et a révélé que le cannabis n’a pas les mêmes effets nocifs du tabac. Grâce aux résultats obtenus dans cette étude et dans d’autres études similaires, les prestataires de soins de santé commencent à y prêter attention et certains assureurs santé commencent même à couvrir les coûts du cannabis médicinal !
Une étude scientifique révolutionnaire (Association Between Marijuana Exposure and Pulmonary Function Over 20 Years, Pletcher MJ et al.) a été publiée en 2012 sur les effets de la consommation de cannabis sur la fonction pulmonaire par rapport à la consommation de tabac.
L’étude a suivi des milliers de sujets pendant vingt ans afin d’obtenir un aperçu complet des associations potentielles. De nombreuses autres études, qui se limitent à examiner une brève fenêtre temporelle, sont incapables de prouver cette causalité, même si elles démontrent une certaine corrélation.
Bien que plusieurs années se soient écoulées depuis sa publication, cette étude reste l’une des plus rigoureuses et des plus fiables parmi celles disponibles sur la comparaison entre le cannabis et le tabac et s’est avérée très influente.
Récemment, deux compagnies d’assurance-vie canadiennes ont déclaré qu’elles cesseraient dorénavant de classer les fumeurs de cannabis dans la même catégorie à haut risque que les fumeurs de tabac, en précisant que les recherches actuelles ne montrent aucune preuve d’un « risque de cancer à long terme ou d’autres risques comparables à ceux du tabac ».
Dans cet article, nous examinons en détail les conclusions de l’étude et d’autres études associées qui ont été publiées depuis, en nous concentrant sur les changements pratiques que ces conclusions ont entraînés dans le secteur.
Sur quoi a porté l’étude sur le cannabis et le tabac ?
On sait bien que la fumée de cannabis contient un grand nombre de composants présents dans la fumée de tabac, mais la question de savoir si les deux sont aussi nocives a suscité une controverse pendant des années. Des études antérieures sur les effets de la fumée de cannabis ont montré qu’elle peut provoquer une inflammation et des dommages aux muqueuses des poumons ainsi que des symptômes connexes, tels que la toux, l’augmentation de la production de catarrhe et une respiration sifflante, que l’on retrouve également chez les fumeurs de tabac.
Par contre, des études précédentes sur la fonction pulmonaire à long terme et les maladies associées à la consommation de cannabis n’ont pas permis d’établir un lien clairement défini. C’est pourquoi cette étude vise à résoudre le problème une fois pour toutes.
Le cannabis médicinal revêt une importance croissante pour les soins de santé dans le monde entier ; le nombre d’utilisateurs augmente chaque année, tout comme la légitimité du cannabis en tant que traitement pour des affections multiples. Il est par conséquent essentiel de se bien documenter pour comprendre le cannabis et savoir comment l’intégrer dans la pratique clinique.
L’étude a suivi 5 115 participants pendant plus de deux décennies (mars 1985 – août 2006) en prenant en examen leur éventuelle consommation de cannabis, l’éventuel usage de tabac et leur fonction pulmonaire. En particulier l’étude a mesuré leurs habitudes actuelles, estimé leur exposition cumulée à la fumée de cannabis et de tabac au cours de la vie de chaque participant et cherché à établir des associations.
Comment les données ont-elles été collectées ?
Les données ont été collectées dans le cadre de l’étude Coronary Artery Risk Development in Young Adults (CARDIA), conduite sur une période allant de 1985 à aujourd’hui. CARDIA visait à étudier des variables telles que la race, la taille, le tour de taille, les habitudes des fumeurs et leur exposition à la fumée secondaire, afin d’identifier les facteurs de risque des maladies cardiaques.
Ainsi, dans CARDIA, les 5 115 participants, issus des deux plus grands groupes raciaux de quatre communautés américaines (« Blancs, pas hispaniques » et « Noirs, pas hispaniques ») ont été sélectionnés au hasard et non pas en raison de leurs habitudes en tant que fumeurs ; par conséquent, ils étaient représentatifs d’un large échantillon de consommateurs typiques de cannabis et de tabac aux États-Unis. En outre, au moment de l’inscription ils étaient âgés de 18 à 30 ans et en bonne santé. Tous étaient tenus de donner leur consentement écrit pour prendre partie à l’étude.
Les répondants ont d’abord été soumis à un examen de base, suivi de six examens de suivi. La fonction pulmonaire a été analysée aux années 0, 2, 5, 10 et 20. À l’année 20, 69 % des participants initiaux ont continué à participer l’étude.
Leur fonction pulmonaire a été évaluée selon deux paramètres : le volume expiratoire forcé durant la première seconde de l’expiration (VEF1) et la capacité vitale forcée (CVF). La première mesure le volume maximal d’air pouvant être expiré pendant une seconde, après une inhalation complète. La seconde mesure le volume total d’air qui peut être expiré après une inhalation complète sans limite de temps.
Quels ont été les résultats de l’étude ?
En ce qui concerne les consommateurs de tabac, les résultats ont été conformes aux attentes : le VEF1 et la CVF ont tous deux diminué régulièrement en fonction de l’exposition actuelle et de l’exposition à vie. Il s’agit là d’une preuve supplémentaire que la consommation de tabac entraîne une altération à long terme de la fonction pulmonaire.
Pour la consommation de cannabis, les résultats ont été surprenants : une exposition légère au cannabis (à la fois actuelle et à vie) a provoqué une augmentation de la CVF. Une exposition légère au cours de la vie a également entraîné une augmentation du VEF1. Cela signifie que, par rapport aux sujets qui n’ont pas du tout consommé de cannabis, la capacité pulmonaire totale des consommateurs de cannabis a en fait augmenté au cours des vingt années de l’étude !
En outre, la CVF et le VEF1 ont tous deux augmenté régulièrement par rapport à « l’intensité actuelle de cannabis consommé » (définie comme les épisodes de consommation au cours des trente jours précédents). Par conséquent, plus les participants en avaient consommé jusqu’à la date de l’analyse, plus leur capacité pulmonaire était élevée.
Les résultats ne sont pas aussi positifs pour les gros consommateurs de cannabis, étant donné que, dans ce cas, le niveau de VEF1 se stabilisait voir diminuait au fur et à mesure de l’augmentation de l’exposition. Cependant, même une « très forte consommation de marijuana » a été associée à un VEF1 sur la durée de vie « peu différent de la valeur de référence », et la CVF « est restée significativement plus élevée par rapport à la valeur de référence ».
Qu’est-ce que ces résultats signifient pour les consommateurs de cannabis ?
Ces résultats suggèrent que même les gros fumeurs de cannabis ne subissent pas une diminution de la capacité pulmonaire totale au fil du temps. En fait, l’exposition au cannabis peut avoir des effets protecteurs ou d’augmentation de capacité. En outre, même si la capacité à expirer de l’air dans la première seconde de manière forcée est quelque peu réduite, il est peu probable que cette réduction soit significative.
Le VEF1 est une mesure importante et devrait normalement être compris entre 70 et 80 % de la CVF. S’il tombe en dessous de 65 %, cela indique un rétrécissement des voies respiratoires important – un indicateur possible d’une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC). Ainsi, même une consommation « importante » de cannabis n’est pas associée à un risque accru de MPOC, bien qu’il puisse être conseillé aux personnes présentant d’autres facteurs de risque de MPOC de limiter leur consommation.
D’autre part, le fait qu’une faible consommation de cannabis augmente le VEF1 au cours de la vie est une preuve supplémentaire de ses effets bronchodilatateurs. À leur tour, ces résultats soulignent le potentiel du cannabis comme traitement de l’asthme, lorsqu’il est consommé modérément et sans tabac. Naturellement, la vaporisation est une option bien préférable pour les asthmatiques qui souhaitent utiliser le cannabis.
Cette étude a été saluée comme étude de référence, car elle est allée bien au-delà des limites temporelles qui caractérisent souvent d’autres études similaires, en pouvant établir des associations à long terme pour démontrer l’existence de liens de causalité et non pas seulement de corrélation.
Par conséquent, grâce à cette étude (ainsi qu’à plusieurs autres du même type qui ont porté sur le tabac), nous pouvons dire sans crainte que la consommation de tabac provoque des dommages et des maladies pulmonaires, tandis que la consommation de cannabis n’en est pas la cause.
Autres recherches sur le cannabis, le tabac et la santé pulmonaire
L’étude ci-dessus est de loin la plus approfondie, car elle permet de mettre en rapport, dans une perspective de long terme, la consommation de cannabis avec celle de tabac. Mais ce n’est certainement pas la seule. Voici quelques autres études qui semblent étayer les mêmes conclusions.
Une étude de l’Université d’Emory sur une période de 20 ans montre que la consommation de cannabis pourrait même compenser l’usage nocif du tabac
Les résultats d’une autre étude importante ont été publiés en 2015, cette fois-ci par des chercheurs de l’Université d’Emory à Atlanta, en Géorgie. Cette étude a évalué l’exposition à la fumée de cannabis et la santé pulmonaire d’un large échantillon représentatif d’adultes américains âgés de 18 à 59 ans. À ce jour il s’agit de la plus grande analyse transversale examinant les associations entre la consommation de cannabis et la santé pulmonaire.
Dans ce cas, en tant qu’analyse transversale, cette étude n’a pas réellement suivi les participants pendant 20 ans. Là encore, l’étude a révélé qu’une consommation légère de cannabis sur une période de 20 ans (auto-déclarée dans ce cas) n’est pas associée à des effets néfastes sur la santé pulmonaire et ne réduit pas le VEF1.
En outre, les auteurs de l’étude ont noté que l’exposition à la fumée de cannabis peut entraîner un effet protecteur des poumons et que les fumeurs de tabac qui ont également consommé du cannabis peuvent donc atténuer les effets nocifs du tabac.
L’étude a également permis de constater que les consommateurs habituels de cannabis étaient plus susceptibles de faire état d’une augmentation des symptômes de bronchite, même s’ils ne souffraient pas d’un déclin concomitant de la fonction pulmonaire et que les consommateurs qui vaporisaient du cannabis étaient susceptibles de présenter des symptômes de bronchite moins nombreux ou moins graves.
Un rapport de 2013 conclut que le cannabis n’est pas lié au cancer pulmonaire et à d’autres affections liées au tabagisme
Un rapport de 2013, Effects of Marijuana Smoking on the Lung (Tashkin, D.P.), a conclu que l’exposition à la fumée de cannabis n’est pas associée à l’apparition de cas de cancer pulmonaire, maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), emphysème ou maladie pulmonaire bulleuse.
Voici un extrait de ses conclusions : « …de nombreuses épreuves ont montré une réduction considérable des risques de complications pulmonaires, même en cas de consommation importante et régulière de marijuana ; tout cela soutienne favorablement la comparaison avec le tabac et ses graves conséquences pulmonaires ».
Une étude de 2016 confirme que le cannabis n’est pas lié à l’AVC ischémique
Une très vaste étude publiée sur les revues de l’American Heart Association en 2016 a tenté d’identifier toute association entre la consommation de cannabis et l’apparition précoce d’AVC (accident vasculaire cérébral). Parmi les participants figuraient près de 50 000 hommes suédois. Cette étude a révélé que, contrairement à la consommation de tabac, le cannabis ne semblait pas être lié à l’apparition précoce d’un accident vasculaire cérébral. Alors qu’une forte consommation de cannabis était liée à un AVC ischémique, le risque réel diminuait en présence d’une consommation simultanée de tabac.
Comme nous le voyons ici, il existe aujourd’hui un ensemble important de recherches fiables qui fournissent des preuves très solides de la sécurité relative de la consommation de cannabis en termes de santé pulmonaire. Une étude a même déterminé que la consommation de cannabis est plus de 100 fois moins mortelle que la consommation d’alcool.
Il est rassurant de constater que toutes ces preuves semblent vraiment faire évoluer les mentalités sur le cannabis et cela dans un domaine quelque peu inattendu : au sein même du monde des compagnies d’assurance.
Comment la recherche sur le cannabis a contribué à remodeler le secteur des assurances
Récemment, deux compagnies d’assurance canadiennes ont annulé leurs polices à long terme qui classaient les fumeurs de cannabis dans la même catégorie que les fumeurs de tabac, avec des primes trois fois plus élevées que celles destinées aux non-fumeurs. Dorénavant Sun Life et BMO Insurance traiteront certains consommateurs de cannabis comme des non-fumeurs dans les contrats d’assurance vie.
Sun Life, la première compagnie à annoncer d’avoir modifié ses contrats d’assurance, a appliqué ce changement à tous les consommateurs de cannabis qui ne fument pas de tabac. BMO, de son côté, offre une couverture pour les consommateurs de cannabis qui fument jusqu’à deux joints par semaine et ne consomment pas de tabac.
Lors de l’annonce de ce changement, Sun Life a déclaré : « Dans notre secteur, nous restons à la pointe des études médicales et les assureurs mettent à jour leurs politiques de souscription en conséquence » ; l’assureur précise aussi que les consommateurs seront évalués « à des taux de non-fumeurs, à moins qu’ils ne consomment également du tabac ».
Les compagnies d’assurance-vie ne sont pas les seules à commencer à accepter l’usage du cannabis. Les assureurs maladie aussi maintenant couvrent de plus en plus le coût du cannabis médicinal. Probablement à New York un programme d’assurance soutenu par le gouvernement couvrira bientôt ce coût. Les législateurs estiment qu’il est injuste de ne pas prévoir cette couverture, vu que des milliers de personnes consomment du cannabis et qu’il peut être encore plus efficace (et plus sûr) par rapport aux opioïdes actuellement utilisés.
Bien que les études médicales en question n’y aient pas été citées nommément, les recherches dont nous avons parlé dans cet article ont probablement joué un rôle déterminant dans les changements des polices d’assurance et induiront sans doute d’autres compagnies d’assurance à introduire des changements similaires à l’avenir.
Les contrats d’assurance pour les consommateurs de cannabis aux États-Unis et en Europe
La situation aux États-Unis est encore plus surprenante. Les consommateurs de cannabis médicinal aux États-Unis rencontrent souvent des problèmes et doivent payer des primes plus élevées que les non-fumeurs. Mais un rapport de Bloomberg.com, publié en juin 2015, indique que 29% des assureurs vie américains ayant mis en place des polices officielles pour les consommateurs de cannabis les classent désormais dans la catégorie des non-fumeurs.
Certains assureurs (comme New York Life Insurance Co.) proposent des polices basées sur la fréquence d’utilisation, selon lesquelles une utilisation faible à modérée n’entraîne pas de surprime, qui, par contre, s’applique dans le cas d’une utilisation récréative intense. Bien que des études suggèrent une certaine réduction à long terme de la fonction pulmonaire chez les gros consommateurs, cette position est encore quelque peu discriminatoire, car aucune étude n’indique l’existence d’un lien avec une maladie pulmonaire réelle.
Les consommateurs de quantités faibles à modérées de cannabis, en particulier ceux qui ont un besoin médical avéré de cannabis, peuvent être facilités dans l’obtention d’une assurance vie aux États-Unis, à condition de faire des achats sélectifs. En revanche, les gros consommateurs récréatifs peuvent avoir plus de mal à obtenir une assurance vie sans une augmentation des primes dues à ce titre, malgré le manque évident de preuves démontrant une association avec les affections pulmonaires.
Clairement nous avons progressé considérablement dans nos efforts pour légitimer le cannabis et, bien que ces développements soient extrêmement encourageants, il est clair que nous avons un bon bout de chemin à parcourir afin que le cannabis soit reconnu sur la base de preuves tangibles.
Source : sensiseeds.com