L’année 2025 aurait dû marquer un tournant dans l’accès aux traitements à base de cannabis thérapeutique en France, après trois ans d’expérimentation. Pourtant, en janvier, patients et médecins se trouvent toujours dans l’incertitude. Le cannabis médical sera-t-il enfin autorisé ? Depuis mars 2021, une expérimentation a permis de traiter certains patients souffrant de maladies graves. Mais l’expérimentation, censée durer trois ans, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2024, un délai désormais dépassé.
Un retard administratif paralysant
Ce retard est principalement dû à un blocage administratif, bien qu’une décision politique urgente ait été prise en 2024 pour prolonger l’accès aux traitements de six mois supplémentaires pour les patients déjà traités. Cependant, cette prolongation est marquée par une injonction paradoxale d’arrêter les traitements, alors que le cannabis médical est prescrit lorsque toutes les alternatives thérapeutiques sont épuisées. Cette situation absurde prive de nombreuses personnes souffrantes de la possibilité de maintenir une amélioration de leur qualité de vie.
Les patients dans l’angoisse et l’incertitude
Nicolas Authier, médecin psychiatre au CHU de Clermont-Ferrand, souligne les angoisses des 1 200 patients encore sous traitement : “Nos patients sont très angoissés. Le cannabis médical a permis d’améliorer la qualité de vie de ceux qui en bénéficient. Les arrêter sans alternative constitue un véritable dilemme éthique et médical.”
Ces patients, souvent en impasse thérapeutique, risquent de voir leur traitement interrompu sans aucune garantie d’une alternative efficace. Cette situation souligne le vide législatif et l’inefficacité du système de santé français à prendre en compte les réalités vécues par les patients.
Un rapport favorable, mais aucune avancée concrète
Alors que la direction générale de la Santé a émis un rapport favorable en novembre 2023, validant l’expérimentation et ses effets bénéfiques, le passage du stade expérimental au droit commun est toujours en suspens. L’article 78 de la loi de décembre 2023 prévoyait une autorisation des médicaments à base de cannabis pour 2024, mais sans la notification d’un décret à la Commission européenne, ce processus n’a pas pu avancer. Pour que les médicaments soient autorisés, un décret doit d’abord être publié, mais cette étape cruciale n’a toujours pas été franchie.
Le CIRC n’est absolument pas surpris par l’impasse du cannabis thérapeutique en France. En effet, le 31 mai dernier, lors de son intervention sur le plateau du 6/9 de France Inter, la ministre Catherine Vautrin a, avec une arrogance déconcertante et un mépris total pour les patients, balayé en quelques secondes la pérennisation du cannabis médical. Rien d’étonnant, donc, que le décret n’ait pas été envoyé à l’UE : le gouvernement n’en veut tout simplement pas !
(Extrait vidéo de l’émission du 6/9 de France Inter du 31 mai 2024, disponible en intégralité sur YouTube)
La France à la traîne par rapport à ses voisins
L’un des enjeux majeurs reste la lenteur du processus législatif en France. Tandis que plus de 22 pays en Europe, ainsi que 60 pays dans le monde, ont légalisé l’usage médical du cannabis, la France semble à la traîne. Cette situation soulève des questions sur l’incompréhension des enjeux de santé publique par les autorités françaises. L’accès au cannabis médical, comme c’est le cas dans des pays voisins comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, est une nécessité pour de nombreux patients.
Un problème de santé, pas de sécurité intérieure
Il est essentiel de dissocier le cannabis thérapeutique du débat sur le cannabis récréatif. Comme le souligne Nicolas Authier, “c’est un sujet de santé, et non de sécurité intérieure. Le cannabis médical, prescrit et supervisé par des médecins, n’a rien à voir avec le cannabis dit récréatif.” Ce flou entretenu par certains opposants politiques confond des réalités médicales et sociétales distinctes, obstruant ainsi toute avancée législative.
Bilan de l’expérimentation et sécurisation des traitements
Les premiers résultats de l’expérimentation sont globalement positifs : parmi les 3 200 patients traités depuis 2021, environ 30 à 40 % ont connu une réduction significative de leurs souffrances physiques et psychiques après seulement trois mois de traitement. Ce bilan aurait dû justifier une transition vers le droit commun, permettant un accès généralisé à ces traitements. Les professionnels de santé ont été formés, la prescription est claire, et les effets indésirables sont bien connus.
Un risque de se tourner vers le marché noir
Nicolas Authier alerte également sur le risque de voir certains patients, privés de cannabis médical, se tourner vers le marché noir. Bien que la majorité des patients n’utilisaient pas de cannabis avant l’expérimentation, l’arrêt brutal du traitement pourrait les pousser à chercher des solutions illégales, malgré les dangers inhérents à l’usage de produits non contrôlés.
Les patients attendent des solutions claires
Le combat pour l’accès au cannabis médical est loin d’être terminé. Comme le rappelle le ministre de la Santé Yannick Neuder, “il faut étudier cette voie de cannabis thérapeutique, car elle couvre des champs de douleurs rebelles, notamment dans des domaines comme la cancérologie ou les douleurs chroniques”. Toutefois, la France semble une nouvelle fois indécise, bloquée par des divergences politiques internes. Face à ce retard, les patients sont les grands perdants de cette guerre administrative et politique.
Vers un avenir incertain
L’espoir d’une régularisation du cannabis médical en France demeure, mais il semble qu’il faille encore patienter. Dans un contexte où les patients continuent de souffrir et que les arguments scientifiques et médicaux sont solides, il est plus que jamais urgent que le gouvernement prenne une décision ferme pour permettre à des milliers de patients de bénéficier de traitements efficaces. La France ne doit pas se laisser distancer par ses voisins européens dans ce domaine de la santé publique. Il est temps que le cannabis thérapeutique devienne une réalité accessible pour tous ceux qui en ont besoin.
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