L’Agence du médicament a détaillé mardi 28 janvier le cahier des charges pour les industriels qui fourniront le cannabis thérapeutique, pour une expérimentation pendant deux ans auprès de 3 000 patients français. Franceinfo a pu visiter une usine de production de cannabis au Portugal.
Publié le 29/01/2020
L’usine est assez facile à repérer. À une centaine de mètres à la ronde, une forte odeur de cannabis est dans l’air de la zone industrielle de Cantanhede au Portugal, située entre Lisbonne et Porto.
La société canadienne Tilray vient de créer une usine de production de cannabis au Portugal consacrée au marché européen. Et peut-être bientôt au marché français car l’expérimentation du cannabis thérapeutique se précise : 3 000 patients français vont tester le cannabis pour soulager la douleur à partir de septembre 2020. L’Agence du médicament a détaillé, mardi 28 janvier, le cahier des charges pour les industriels qui fourniront ce cannabis pendant deux ans aux patients français de cette expérimentation.
43 variétés sous haute surveillance
Au Portugal, les conditions de sécurité sont strictes. Les vigiles, les barbelés et les caméras sont omniprésents avant de pouvoir accéder à la serre. Une serre gigantesque, un hectare où se trouvent des dizaines de milliers de plants dans des pots, avec autour des ouvriers en combinaison médicale. Ici, rien n’est laissé au hasard. « Quand on a plus de douze heures d’ensoleillement, on ferme le haut de la serre pour leur [les plants de cannabis] faire croire que c’est la nuit, explique Dounia Farajallah, pharmacienne et directrice de Tilray France. On joue sur le jour et la nuit pour réduire leur cycle et on a des plantes en trois à quatre mois au lieu de six mois jusqu’à un an. »
Quatre récoltes par an, c’est la troisième pour cette usine qui a ouvert en avril 2019. « On fait pousser 43 variétés différentes de cannabis, indique Cristina Almeida, responsable de la qualité. On fait des boutures, des clones, qu’on laisse dans une nurserie pendant 40 jours. Ensuite, on les fait pousser dans la grande serre pendant 40 autres jours. Ce clonage, c’est pour que dans chacune des variétés, tous les plants soient calibrés, aient exactement les mêmes propriétés, les mêmes pourcentages de CBD et de THC. »
Chaque variété contient en effet des teneurs différentes en cannabidiol (CBD) et en tétrahydrocannabinol (THC). Ce sont les deux principes actifs du cannabis qui intéressent la médecine pour aider par exemple les patients atteints d’un cancer à supporter les traitements. « Le THC a un effet antiémétique, anti-vomitif, un effet antalgique et est aussi un stimulant d’appétit, détaille Dounia Farajallah. Il est donc intéressant dans le cadre des nausées et des vomissements induits par la chimio et réfractaires aux traitements actuels sur le marché. »
Gouttes d’huile et fleurs séchées
Dans cette usine, il n’est absolument pas question de produire du cannabis qui se fume mais des gouttes d’huile de cannabis ou des fleurs séchées, dont on inhale les vapeurs grâce à un petit vaporisateur. Impossible pour les journalistes de voir comment le cannabis est transformé. Une question de normes sanitaires et aussi de secret industriel. « Chaque pays, chaque autorité sanitaire va nous demander des dosages différents entre CBD et THC, indique Joao Pancas, responsable production. Pour les fleurs séchées, on n’intervient pas dans le processus, on va choisir une variété qui naturellement correspond aux pourcentages demandés. Pour les gouttes d’huile de cannabis, là c’est différent, puisqu’on crée les dosages par un processus pharmaceutique. »
L’usine prévoit également de fabriquer bientôt des gélules d’huile de cannabis. Elle va prochainement s’agrandir, le marché est prometteur, une vingtaine de pays européens autorisent déjà le cannabis thérapeutique notamment l’Allemagne, l’Espagne, le Portugal ou encore le Royaume-Uni.
Source : Francetvinfo