Bonjour
S’en remettra-t-elle ? Le 17 juin l’Académie nationale de pharmacie publiait un communiqué d’une particulière agressivité : « Cannabis ‘’thérapeutique’’ : une appellation abusive et dangereuse ». Cette institution entendait ainsi « mettre en garde contre une banalisation de préparations de cannabis qui trompe les attentes des patients en se faisant abusivement passer pour ‘’thérapeutique’’ ». Un réquisitoire partial d’un autre temps suivi en retour, d’une volée de bois vert de quelques médecins experts, professionnels du sujet.
Deux jours plus tard, communiqué de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui poursuit, à son rythme (que l’on pourra trouver bien lent), son chemin : « Cannabis à visée thérapeutique en France : Projet de cadre de la phase expérimentale de mise à disposition – Point d’Information ». La démonstration, s’il en était besoin, que l’Académie nationale de pharmacie est désormais plus qu’isolée dans le paysage pharmaceutique français.
Sécuriser
Objectif principal de cette phase expérimentale : évaluer, en situation réelle, le circuit de prescription et délivrance ainsi que l’adhésion des professionnels de santé et des patients à ces conditions. Objectif secondaire : recueillir des premières données françaises d’efficacité et de sécurité.
Il s’agit de sécuriser au mieux la prescription et le suivi des patients. Sécurisation de la prescription : le traitement ne pourra être initié que par des médecins spécialistes des indications visées et qui exercent dans des centres de référence, sur tout le territoire. La participation se fera sur la base du volontariat ; les médecins prescripteurs devront obligatoirement avoir été formés au préalable pour pouvoir prescrire le cannabis. Sécurisation du suivi des patients : mise en place d’un registre national électronique exhaustif qui recueillera également les premières données cliniques françaises d’efficacité et de sécurité.
Brouilleurs de discours
Ce n’est pas tout : lors de sa dernière séance le Comité entendra « certains acteurs économiques français » qui lui présenteront leur projet de développement de cannabis thérapeutique. Cette séance sera filmée et les auditions seront retransmises en direct sur la chaîne Youtube de l’ANSM . Le programme complet sera bientôt disponible. A l’issue de cette séance, les experts du comité rendront leur avis à l’ANSM sur l’encadrement de la phase expérimentale de la mise à disposition du cannabis à visée thérapeutique en France. Sa mise en place prendra au moins six mois. Certaines modifications réglementaires seront mises en place, notamment un registre dans lequel toutes les données des patients seront saisies par les médecins à chaque prescription. Tout le monde ne pourra pas prescrire du cannabis. Il y aura une formation préalable obligatoire pour les médecins volontaires. Les données seront analysées et un rapport sera fait et présenté via l’ANSM au ministère de la Santé. Se posera alors la question de pérenniser ou non ce système.
« Nous sommes dans une approche médicale, pour soulager des patients qui sont dans une souffrance réelle. On n’est pas en train de parler de shit, de résine ou d’herbe, mais de médicaments. Ceux qui viennent brouiller volontairement le discours sont malhonnêtes, accuse, dans Libération (Charles Delouche) le Pr Nicolas Authier (CHU de Clermont-Ferrand), président de ce Comité. En mélangeant intentionnellement l’usage récréatif, le bien-être et l’usage thérapeutique, l’Académie nationale de pharmacie fait de la désinformation dangereuse. Je les encourage à faire de la médecine, à rencontrer des patients qui souffrent et qui ont été soulagés par du cannabis. Il y a aussi ceux qui mélangent tout pour détruire le projet et ceux qui se dispersent dans leur combat, qui est plus économique que réellement thérapeutique. Autant être franc, le cannabis bien-être, c’est du business. Il n’y a aucun rapport avec le cannabis thérapeutique : aucun autre médicament en France ne sera prescrit avec autant de précautions. Il sera plus compliqué de prescrire du cannabis thérapeutique que de la morphine. »
Que répondront, le moment venu, les brouilleurs de discours, les malhonnêtes, les désinformateurs et autres pharmaciens académiciens ?
A demain @jynau
Source : Journalisme et Santé publique, le blog du Dr Jean-Yves Nau