Jeudi 27 février 2020
Patrick Coulomb
Pour produire du cannabis thérapeutique « made in France », » on a tout ce qu’il faut, il faut juste avoir les autorisations pour démarrer » : au salon de l’agriculture, l’impatience des professionnels est palpable, à quelques mois d’une première expérimentation sur 3 000 patients dans le pays.
Au sein du « village » des semenciers, certains acteurs profitent du salon pour une opération séduction. Confiture au chanvre, dégustation de graines vantant leur apport protéiné, lait relaxant au CBD (cannabidiol, la molécule non psychotrope du cannabis, NDLR): loin des volutes de fumée, les projecteurs sont braqués sur les utilisations très variées de la plante. Mais hormis ces applications « bien-être », c’est surtout l’usage médical qui intéresse.
Les premiers traitements sous forme d’huile de cannabis ou fleurs séchées doivent être distribués dès septembre à 3 000 patients souffrant de cinq types de maladies ou d’affections graves – certaines formes d’épilepsies, de douleurs neuropathiques, d’effets secondaires de chimiothérapie, de soins palliatifs ou de scléroses en plaques. Mais la production sera, dans un premier temps au moins, étrangère: de quoi frustrer le monde agricole.
» Il faut absolument qu’on soit en capacité au niveau français de mettre en place cette nouvelle filière » thérapeutique, martèle le député LREM de la Creuse Jean-Baptiste Moreau, en visite sous sa nouvelle casquette de rapporteur général de la mission parlementaire sur les usages du cannabis, lancée fin janvier. À l’heure actuelle, la loi française empêche toute production médicale. Impossible de cultiver des plants de cannabis contenant plus de 0,2 % de THC – tétrahydrocannabinol, molécule psychotrope du cannabis, à l’effet planant – et d’en récolter les fleurs.
À terme, les cinq indications thérapeutiques autorisées par l’ANSM représentent » environ 300 000 patients » en France, indique le groupe coopératif agricol français InVivo, qui précise que pour leur assurer une production d’environ un gramme par jour, » on a besoin de sept hectares, soit un seul centre commercial « .
Au sein de la filière, la modification indispensable du cadre légal fait figure d’arlésienne. En Maine-et-Loire, le semencier Hemp It compte déjà dans son catalogue des graines permettant de faire pousser des plants de cannabis illégaux. Depuis deux ans, il réclame d’expérimenter, » sans aucun retour » des autorités, soupire son président, Jacques Martin.
Concurrence étrangère
Après avoir fait voter l’expérimentation du cannabis thérapeutique en tant que député, » Olivier Véran est aujourd’hui ministre de la Santé, donc normalement cela devrait aider « , espère Nathalie Fichaux, directrice d’InterChanvre, l’interprofession qui rassemble les 1 500 producteurs de chanvre.
Si les acteurs français s’impatientent, c’est que la concurrence internationale a plusieurs longueurs d’avance. Soumis à une législation plus souple, l’américain Tilray et les groupes canadiens comme Canopy Growth et Aurora ont des années de savoir-faire…
Source : La Provence