INTERVIEW Le député (LREM) Olivier Véran, également médecin, dépose un amendement au PLFSS pour que l’expérimentation sur le cannabis thérapeutique soit lancée rapidement et remboursée
• En juillet, l’ANSM avait donné son feu vert pour mener une expérimentation de cannabis thérapeutique, c’est-à-dire un usage médicinal de ce stupéfiant.
• Le député Olivier Véran (LREM) dépose ce jeudi un amendement au PLFSS pour que cette expérimentation soit lancée d’ici six mois.
• Pendant deux ans, autour de 3.000 patients, atteints de douleurs chroniques ou de cancer, testeront différents types de cannabis thérapeutique sous forme de tisane, vaporisation ou huiles.
Le député (LREM) et médecin Olivier Véran doit déposer ce jeudi un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), actuellement discuté à l’Assemblée. Cet amendement, nouvelle étape dans la légalisation du cannabis thérapeutique, autorise une expérimentation de l’usage médical du cannabis. Olivier Véran explique à 20 Minutes pourquoi il défend ce test qui devrait durer deux ans.
Pourquoi êtes-vous favorable au cannabis thérapeutique ?
En tant que médecin, et plus particulièrement en tant que neurologue, j’ai pu constater que des patients qui souffraient de douleurs chroniques, avaient découvert par automédication que le cannabis pouvait les soulager. C’était parfois du CBD, du THC, parfois les deux, mais en tout cas, cela permettait de soulager leurs douleurs. J’ai d’abord trouvé cela bizarre, mais après que des dizaines de patients peu soulagés par la morphine ou par les antidépresseurs m’ont parlé de cette solution, j’ai voulu creuser. La littérature scientifique était pauvre, bien que le recours au cannabis thérapeutique soit une pratique courante dans d’autres pays.
J’ai donc enlevé la blouse blanche pour remettre l’écharpe tricolore et auditionné des médecins, des usagers, des juristes ou des responsables d’agence sanitaire. Puis j’ai écrit à la ministre de la Santé, qui a demandé à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de monter un groupe de travail. Pendant un an, ce dernier a mené des recherches avant de reconnaître en juillet dernier l’intérêt de monter une expérimentation pour mieux connaître les avantages de ce cannabis thérapeutique.
Pourquoi passer par un amendement au PLFSS ?
Ce test va nous permettre de voir si le cannabis thérapeutique est réellement efficace pour soulager les patients, notamment ceux souffrant de douleurs neuropathologiques, très intenses et rarement soulagées, de souffrances liées au cancer, à l’épilepsie et à la sclérose en plaque [pour soulager ce qu’on appelle la spasticité, soit quand les muscles se contractent soudainement]. On va également jouer sur les doses de CBD et de THC pour savoir quel type de cannabis thérapeutique est le plus utile. Je voulais donc inscrire cette expérimentation dans le marbre de la loi pour qu’elle soit mise en pratique sans perdre de temps
Comment va se dérouler cette expérimentation ?
Pendant deux ans, autour de 3.000 patients sélectionnés pourront demander une prescription uniquement à des médecins spécialistes de la douleur ou des cancérologues qui vont recevoir une formation spécifique. Ces derniers exerceront soit en milieu hospitalier et soit en centre de référence de gestion de la douleur. Les patients pourront se fournir d’abord dans des pharmacies hospitalières, puis en officine.
Le cannabis thérapeutique sera consommé sous forme d’huile, de tisane ou de fleurs séchées vaporisées. Sachant que les patients seront équipés de vaporisateurs. On va ensuite s’appuyer sur l’expertise des patients qui, pour beaucoup, n’ont d’ailleurs pas attendu cette expérimentation pour avoir recours au cannabis.
Quel est planning pour cet amendement et pour l’expérimentation ?
L’amendement est déposé aujourd’hui, sera discuté en commission mardi ou mercredi prochain à l’Assemblée nationale, puis débattu en séance publique la semaine suivante. Je suis confiant dans le fait qu’il sera adopté. Quant à l’expérimentation, elle devrait durer deux ans et commencer avant l’été 2020. Le temps de former les médecins, d’identifier les patients et d’avoir les produits.
Le cannabis thérapeutique est autorisé dans plusieurs pays, avez-vous l’impression que la France est en train de combler son retard ?
Oui, il était temps. Aujourd’hui, 17 pays de l’Union européenne autorisent la consommation des dérivés du cannabis. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a proposé en janvier 2019 de déclassifier le cannabis du tableau 4 des stupéfiants, ce qui revient à reconnaître l’utilité de ces produits à des fins médicinales. Le problème en France aujourd’hui, c’est qu’un médecin peut faire une ordonnance et que le patient peut aller acheter le produit à l’étranger, mais que s’il est arrêté, il sera hors la loi.
Cette expérimentation n’est-elle pas un premier pas vers la légalisation du cannabis récréatif ?
Le cannabis thérapeutique et le cannabis récréatif sont deux sujets complètement indépendants. Cela fait un siècle qu’on autorise la morphine, mais on ne vend de l’héroïne à tous les coins des rues !