L’Organisation mondiale de la santé a beau estimer que le CBD n’est ni nocif ni addictif, la France campe sur ses positions et continue de pénaliser toute commercialisation.
Garanti sans effet psychotrope mais pas sans flou juridique. Molécule de chanvre présente dans le cannabis, le cannabidiol (CBD) fait l’objet depuis l’été 2018 d’une attention particulière de la part des consommateurs comme des services de police. Cosmétiques, e-liquides, sucreries, baumes, huiles : moult boutiques spécialisées dans les produits au CBD ont vu le jour en France. Découverte en 1940, la structure et la composition de la molécule ont été identifiées en 1963 par le chercheur israélien Raphael Mechoulam. C’est ce que l’on appelle communément le cannabis « light ».
Mode
Un an plus tard, Mechoulam découvre le THC (tétrahydrocannabinol), molécule euphorisante aux effets psychotropes qui cause la défonce. Sur la base de l’arrêté du 22 août 1990 du code de la santé publique pour le cannabis, le droit français autorise la culture de variétés de chanvre à moins de 0,2 % de THC mais proscrit toute trace dans le produit fini, qu’il soit une crème, un aliment ou autre. Aux États-Unis, de l’huile de THC frelatée et «vapotée» a récemment fait plusieurs morts.
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L’effet de mode autour du relaxant CBD, accentué par une intense attention médiatique, a rapidement laissé place aux mises en examen et condamnations, alors que le CBD est absent de l’arrêté du 22 février 1990 qui fixe la liste des substances interdites en France. En 2017, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que le CBD n’était pas nocif et ne présentait pas de potentiel addictif. Depuis que l’Agence mondiale antidopage l’a retiré de sa liste des produits dopants en 2018, il est utilisé par les sportifs pour ses vertus anti-inflammatoires. Pas de quoi convaincre les autorités françaises pour autant, qui campent sur leurs positions. «Il y aurait actuellement plusieurs dizaines de procédures en cours, indique Yann Bisiou, maître de conférences en droit privé à l’Université Paul-Valéry de Montpellier et spécialiste du droit de la drogue. Les condamnations sont souvent symboliques mais les boutiques sont fermées pendant plusieurs mois et les propriétaires ont l’interdiction de reprendre leur exercice. On tue économiquement le secteur.»
Marché
En parallèle du boom du CBD, l’intérêt pour l’aspect thérapeutique du cannabis (avec CDB et THC) va grandissant. Autour de 3 000 patients vont prochainement participer à une expérimentation de deux ans lancée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Dans le même temps, à l’initiative du député de la Creuse (LREM) Jean-Baptiste Moreau, une mission d’information autour des usages du cannabis doit prochainement voir le jour à l’Assemblée nationale. Elle s’intéressera aussi bien au cannabis thérapeutique qu’à son versant «bien-être» et récréatif.
Les députés signataires estiment que Paris fait du zèle en surinterprétant la réglementation européenne pour interdire tous les produits issus de la fleur de chanvre. Seules les fibres et les graines peuvent faire l’objet d’un commerce. Alors que la France est le leader européen de la culture du chanvre, avec 50 000 tonnes produites par an, un assouplissement de la législation permettrait l’ouverture d’un marché estimé à 1 milliard d’euros par an. «Un tiers des personnes qui prennent ces produits sont des usagers chroniques de cannabis. Ils les utilisent comme moyens de substitution», explique Yann Bisiou, qui rappelle que la France est «incapable de trouver une réponse adaptée alors qu’elle est le premier pays consommateur de cannabis en Europe».