Le chanvre absorbe davantage de CO2 à l’hectare qu’une forêt. Cultivée, selon les variétés et les législations en vigueur, pour produire une fibre aux propriétés isolantes, des graines comestibles, ou bien une substance euphorisante, cette plante du genre botanique « Cannabis » peut aider à lutter contre le réchauffement climatique – mais sous certaines conditions.
Quatre mètres de hauteur atteints en une centaine de jours seulement : cette croissance proprement « stupéfiante » vaut au chanvre (Cannabis sativa) de figurer au palmarès des végétaux à la pousse la plus rapide au monde. Et c’est aussi pour cela que certains voient sa culture comme un moyen supplémentaire de lutter contre le réchauffement climatique provoqué par l’accumulation des gaz à effet de serre – en particulier le CO2 – dans l’atmosphère à cause des activités humaines.
En effet, en poussant, le chanvre capte du dioxyde de carbone dans l’air et le transforme, en utilisant l’énergie du soleil via la photosynthèse, en matière organique. Ainsi, un hectare de chanvre absorberait environ 9 à 15 tonnes de CO2, soit une quantité similaire à celle séquestrée par une jeune forêt – mais en seulement quelques mois contre plusieurs années (Commission européenne).
Or, à l’issue de la récolte, les fibres extraites de la paille – utilisées dans l’industrie textile et dans celle de la construction sous forme de « laine de chanvre » aux propriétés isolantes – constituent un « stock » de carbone qui restera piégé sous forme solide.
Cannabis sous serre, ou culture en plein champ ?
Néanmoins, pour dresser un bilan relatif à l’impact du cannabis sur le climat, il importe de considérer le mode de culture adopté. Aux Etats-Unis, une étude publiée dans la revue Nature Sustainability en 2021 révélait que dans certains Etats, la production (légale) de chaque kilogramme libérait entre 2 et 5 tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère – sans compter les émissions relatives au stockage et à la transformation du produit.
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En cause, l’énergie – principalement d’origine fossile – utilisée dans les serres (dont sont issus 40 % de la production nationale), ventilées et éclairées à haute intensité 24h/24 et 7j/7 mais aussi chauffées ou climatisées selon la saison. Selon les auteurs de cette étude, les émissions de CO2 par portion de cannabis produite seraient même plus élevées que celles de toutes les autres substances légales, dépassant celles de la bière, du vin, du café ou encore des cigarettes.
Des solutions existent néanmoins pour réduire cette empreinte, en particulier le fait de privilégier la culture en plein champ et d’utiliser un éclairage basse consommation (type LED) dans les serres.
Le chanvre, une plante peu gourmande en eau
Par ailleurs, le bilan carbone n’est pas le seul facteur à prendre en compte : il faut aussi considérer l’aspect hydrique. En Charente, par exemple, le chanvre pousse sans irrigation, au contraire du maïs, soulignait Françoise Goulard, experte en recherche et prospective à l’Agence de l’eau Adour-Garonne, interrogée par GEO sur la gestion de la ressource en eau. Un atout non négligeable contre la sécheresse, dont les épisodes sont appelés à se multiplier avec le réchauffement climatique.
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« Le chanvre résiste bien à la sécheresse« , confirme Damien Odienne, exploitant dans l’Eure, interrogé par L’Éveil Normand (Actu.fr), ajoutant que « la plante étouffe les mauvaises herbes » – ce qui permet ainsi d’éviter le recours aux pesticides de type herbicide. En outre, récolté au mois de septembre, le chanvre constituerait un réservoir de biodiversité au moment où les autres cultures sont moissonnées, offrant ainsi un abri précieux pour le petit gibier comme pour les insectes.
La culture de chanvre est « peu exigeante, elle ne nécessite aucun traitement phytosanitaire, elle est peu gourmande en eau et en fertilisants, elle est naturellement résistante aux maladies et n’intéresse que peu les insectes ravageurs« , abonde Nicolas Dufour, président de l’entreprise Gâtichanvre, qui exploite quelques centaines d’hectares au sein du parc naturel régional du Gâtinais, dans l’Essonne. « Elle restructure les sols et peut se cultiver en rotation avec d’autres cultures« , poursuit le professionnel, cité par l’agence eau Seine Normandie.
Un regain d’intérêt en France
Après avoir disparu du paysage agricole dans les années 1960, le chanvre fait désormais l’objet d’un regain de popularité accompagnant l’essor des matériaux « biosourcés » (d’origine végétale ou animale), en particulier pour l’isolation des bâtiments. En France, on dénombre actuellement 15.000 hectares dédiés à sa culture (agence eau Seine Normandie), et notre pays en est le plus gros producteur parmi tous les Etats membres de l’UE avec 70 % de la production européenne (Commission européenne).
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Pour être autorisées sur notre sol, les variétés de chanvre doivent être inscrites dans le catalogue français et communautaire de l’UE, ce qui implique que leur taux de tetrahydrocannabinol (THC) – la substance responsable de l’effet stupéfiant – n’excède pas le seuil légal de 0,2%.