Le député Christophe Bex est devenu président d’un groupe d’études sur le cannabis à l’Assemblée nationale. Le député détaille les contours de cette mission à Actu Toulouse.
Elu député (La France Insoumise) de la 7e circonscription de Haute-Garonne en juin 2022, Christophe Bex est devenu en début d’année président d’un groupe d’études sur le cannabis à l’Assemblée nationale. Dans un entretien accordé à Actu Toulouse, Christophe Bex se prononce en faveur d’une « légalisation encadrée » du cannabis en France. Il s’en explique.
« Un système répressif qui date des années 70 »
Actu : En quoi va consister votre mission à la tête de ce groupe d’études sur le cannabis ?
Christophe Bex : « Il s’agit de travailler avec d’autres députés de manière transpartisane et de faire des auditions avec toutes les personnes concernées par ce sujet. Le cannabis a déjà fait l’objet de propositions de lois, d’auditions, de consultations. Ce n’est pas un sujet nouveau mais il est important de refaire le point sur cette problématique, qui englobe également le trafic de cannabis et tout ce que ça génère. C ‘est un sujet très transversal, sérieux, sociétal, qu’il faut dédramatiser et sur lequel il faut avancer ! On va constituer ce groupe d’études en février ou en mars et mener les premières auditions au printemps. Cela va nous permettre de collecter un maximum d’informations à ce sujet ».
Actu : Interdiction, dépénalisation, légalisation… à titre personnel, comment vous positionnez-vous sur ce sujet ?
C.B. : « On est actuellement dans un système de prohibition, avec un volet répressif datant des années 70, qui est l’un des plus autoritaires d’Europe. Or, on s’aperçoit que la prohibition ne fonctionne pas face au trafic de drogue. La France est le pays qui est le plus gros consommateur d’Europe, avec de nombreux mineurs – et c’est inquiétant – qui fument très jeunes du cannabis. L’idée, c’est de lutter contre le commerce illégal de cannabis en légalisant sous le contrôle de l’Etat. Grâce à la légalisation, on pourra faire beaucoup plus de prévention. Car aujourd’hui, la prévention ne fonctionne pas du tout. Un exemple : j’ai été représentant des parents d’élèves dans un collège à côté de chez moi. On a eu deux jeunes qui ont fait l’objet d’un conseil de discipline car ils dealaient devant le collège… alors qu’ils étaient scolarisés en 6e ! Le mal est donc profond. Il est vraiment temps de mettre en place une politique de prévention en France, car le cannabis reste une substance dangereuse, notamment pour les jeunes ».
« Légaliser ferait baisser la consommation »
Actu : Si on changeait de paradigme en légalisant le cannabis, cela diminuerait de facto le trafic, selon vous ?
C.B. : « Dépénaliser ou légaliser permet de lutter contre les trafics et de faire baisser la consommation. Les pays européens qui ont fait ce choix ont d’ailleurs une consommation bien moindre, surtout vis à vis des mineurs. Car il faut rappeler que le cannabis reste une substance dangereuse, au même titre que le tabac et l’alcool. En France, on encadre l’alcool et le tabac… mais pas le cannabis ! La prohibition génère plus de 150 000 interpellations par an, cela mobilise les forces de l’ordre, la justice… Si on régulait la vente de cannabis, en fixant notamment le taux de THC, cela permettrait d’avoir une société beaucoup plus saine vis à vis de la jeunesse et vis à vis du trafic qu’il peut y avoir dans les quartiers et dans les campagnes. Car il ne faut pas croire qu’il n’y a pas de trafic dans les campagnes ! Dans ces territoires abandonnés, le trafic de drogue fonctionne très bien ».
« Il est temps de faire bouger les lignes »
Actu : La position d’une dépénalisation ou d’une légalisation est largement défendue à gauche, mais pas par le gouvernement. Espérez-vous que vos travaux puissent le faire changer d’avis sur la question durant ce quinquennat ?
C.B. : « Il y a des députés Renaissance, Horizons ou MoDem qui partagent déjà ce même constat ! La voie de la légalisation avec un meilleur contrôle de l’Etat est la meilleure façon de protéger les Français. Mais on n’en est pas du tout au stade de la proposition de loi, c’est encore un peu prématuré ! Ce qui est sûr, c’est qu’on est vraiment en retard en France, sur ce sujet. Il est temps de faire bouger les lignes car c’est un problème de santé publique urgent ! En 2018, il y a eu 54 décès suite à des règlements de compte liés au trafic de drogue en France. C’est trop ! Et pendant le Covid, il y a eu un décès par jour, avec des guerres de territoires… Il faut donc combattre cette économie souterraine qui génère beaucoup d’argent. On voit bien que la société évolue. Il y a 10 ou 15 ans, dès qu’on parlait de cannabis, il y avait une forte opposition par méconnaissance. Le cannabis est dangereux mais il est temps de sortir de ce système de prohibition qui ne mène à rien et ne fait qu’aggraver les choses ».