Le bilan de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies montre une systématisation de la réponse pénale et un recours à l’amende de plus en plus fréquent, sans conséquence sur la consommation.
Par Jean-Baptiste Jacquin
Publié 27/04/2021
Cinquante ans après la loi de 1970 sur la lutte contre la toxicomanie, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) dresse le bilan de la répression de l’usage des stupéfiants. Le code pénal, qui prévoit une sanction pouvant aller jusqu’à 3 750 euros d’amende et un an de prison, est l’un des plus répressifs d’Europe. Même si en pratique la peine de prison est exceptionnelle pour ce délit.
Le volet prise en charge médicale de la réponse judiciaire a quasiment disparu au fil du temps. L’injonction thérapeutique ordonnée à l’égard de ces personnes considérées en 1970 comme étant à la fois délinquantes et malades a été requise par les parquets de la région parisienne dans 3 % des alternatives aux poursuites en 2019, contre 14 % en 2005.
L’une des raisons avancées par Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’OFDT, est « le traitement de moins en moins individualisé de ce contentieux de masse ». Quelque 130 000 personnes ont été interpellées en 2020 pour usage de stupéfiants. La police et la justice abordent ce phénomène en s’inspirant du traitement des infractions routières. A savoir une réponse pénale standardisée qui recourt de plus en plus à l’amende.
La politique du chiffre a été inflationniste en matière d’interpellations dans la rue et au pied d’immeubles, puisque cela permet de comptabiliser en même temps la constatation d’une infraction et sa résolution, sans besoin de procéder à une enquête. La proportion d’affaires classées sans suite a ainsi été divisée par dix en vingt ans, à 2 %. Les alternatives aux poursuites sont relativement stables, à 65 % de la réponse pénale.
Lire l’éditorial du « Monde » : Drogue : sortir du tout-répressif
En revanche, la part des poursuites pénales a fortement augmenté, contrairement à une idée reçue, en passant en quinze ans de 15 % à 32 %. L’usage de stupéfiants représente désormais plus de 7 % du total des infractions sanctionnées en France par une condamnation délictuelle (c’est-à-dire hors contraventions et crimes), « un chiffre inégalé depuis trente ans », note l’étude. Il ne s’agit pas de renvois en correctionnelle. Cela est notamment lié au développement des ordonnances pénales, qui permettent de prononcer une amende sans audience… comme pour les délits routiers.
Développement des stages de sensibilisation
La généralisation à l’ensemble du territoire de l’amende forfaitaire délictuelle depuis septembre 2020 devrait augmenter ce phénomène. Contre la remise du produit en sa possession, l’usager est sanctionné avec un procès-verbal électronique d’une amende de 200 euros (minorée à 150 euros en cas de paiement dans les quinze jours ou majorée à 450 euros au-delà de quarante-cinq jours).
Lire aussi La répression des trafics de drogue, une stratégie qui peine à démontrer son efficacité
En quatre mois, 27 300 verbalisations de ce type ont été effectuées, avec une fréquence plus forte dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis (148 verbalisations pour 100 000 habitants) ou les Bouches-du-Rhône (138), très au-delà de la moyenne nationale (41). Mais, derrière ces chiffres importants, le taux de recouvrement d’une population concernée souvent peu solvable reste faible.
Lire aussi l’entretien : « C’est naïf de croire qu’en s’en prenant uniquement au consommateur de cannabis, on va s’en sortir »
Cette problématique financière se retrouve avec le développement des stages de sensibilisation aux dangers des stupéfiants, passés de 7 000 en 2010 à plus de 22 000 par an. Ils sont à la charge du justiciable, aux alentours de 250 euros en moyenne.
Finalement, la réponse pénale s’est systématisée et durcie, sans effet sur la consommation, en particulier chez les jeunes, qui reste l’une des plus élevées d’Europe. « La consommation ne dépend pas du statut légal de l’usage ni de la pratique pénale », affirme Mme Obradovic, qui voit dans la plus grande permissivité française à certains autres produits jugés dangereux, comme l’alcool, un facteur culturel.
Source : Lemonde.fr