Il ne suffit pas de s’auto-proclamer le chantre de l’expression libre, encore faut-il le démontrer en pratique. Ainsi la rédaction de la « 1ère radio française » répète-t-elle sur ses ondes combien elle est attachée à donner la parole aux auditeur;trice.s et dans ses émissions, prétend ouvrir ses micros à l’ensemble des représentant.e.s de la société civile. La réalité est bien moins enthousiasmante.
Le média en question est France Inter, mais sans doute la critique peut-elle être faite à l’ensemble de l’audiovisuel. Le mardi 8 septembre, l’émission phare de débat, Le Téléphone sonne abordait le sujet des stupéfiants en posant la question « Peut-on éradiquer le trafic de stupéfiants ? ». Étaient invité.e.s à y répondre deux représentant.e.s des forces de l’ordre. Si plusieurs cannabinophiles ont pu intervenir, ce sont surtout des citoyen.ne.s victimes des conséquences de la prohibition qui occupaient l’antenne, se plaignant de la présence ostentatoire de revendeurs dans leurs quartiers, encouragé.e.s par les invité.e.s à pratiquer la délation…
Le Téléphone sonne : Peut-on éradiquer le trafic de stupéfiants ? – Mardi 8 septembre 2020
Le CIRC a bien évidemment tenté de prendre la parole. Par la page Facebook et le compte Twitter dédiés de l’émission, mais aussi en appelant le standard. En vain. Et les deux policiers de pérorer, dénonçant une situation sans issue semblait-il. Il aurait suffit de donner la parole à un.e représentant.e d’association d’usagers pour expliquer qu’effectivement, la prohibition était un échec et ce, depuis son adoption voilà 50 ans.
Le lendemain mercredi 9 septembre, la même émission s’interrogeait à nouveau sur le cannabis mais cette fois sous l’angle thérapeutique. . On retrouvait dans le studio Mme Fabienne Lopez, Présidente de l’association de patient.e.s Principes Actifs et M. Nicolas Authier, Président du comité scientifique sur le cannabis médical à l’agence du médicament (ANSM).
Le Téléphone sonne : Cannabis médical, la France frileuse ? – Mercredi 9 septembre 2020
On ne pouvait que se féliciter de la présence de la présidente de Principes Actifs dont le travail remarquable a largement fait progresser la cause que l’association défend. Il est cependant tout aussi remarquable de voir comment les médias, et en l’occurence la rédaction de la chaîne publique, s’applique à traiter de certaines questions en sélectionnant les invité.e.s selon des critères particuliers.
En matière de drogues en général et de cannabis en particulier, mieux vaut être repenti.e ou patient.e qu’usager.e récréatif.ve ou ses représentant.e.s associatif.ve.s. Et de privilégier sur les plateaux, les antennes ou dans les pages des journaux, des spécialistes auto-proclamé.e.s de la question, la plupart du temps addictologues ou policier.e.s. Cela fait penser aux temps où, pour évoquer l’homosexualité, l’on retrouvait psychiatres et hommes d’églises invités à pérorer. Il est vrai qu’elle était alors encore un délit…
La thématique des drogues abordant tellement de questions tant sanitaires que sociales et culturelles, il nous semble indispensable que tous les partis puissent s’exprimer. Sans quoi il ne peut y avoir de réelle réflexion en l’absence de contradiction. Il est un fait également qu’ « addictocrates » et forces de l’ordre ne peuvent répondre aux nombreuses questions que se posent nos concitoyen.ne.s. Notamment celles concernant les motivations des cannabinophiles.
De plus, n’accorder la parole qu’aux plus jeunes de ces dernier.e.s fausse complètement la réalité sociologique de l’usage. Si voilà 50 ans, l’on pouvait considérer que cela ne touchait que la jeunesse, celle-ci a vieilli. Ce sont désormais des parents et grands-parents n’ayant pour certains jamais abandonné leur pratique. Ce sont nos voisin.e.s, ami.e.s, collègues, patrons. Nos parents ou grands-parents donc. On les retrouve dans toutes les couches de la société et partout en France.
Les rendre visibles, c’est leur accorder la citoyenneté qu’ils revendiquent depuis toujours. Celle d’hommes et de femmes libre de disposer de leur corps et de leur conscience… même modifiée.
Fédération des CIRC