À Toulouse comme ailleurs, le trafic de stupéfiants est très impacté par les mesures de confinement. Les prix augmentent et la pénurie s’installe… Mais les dealers s’adaptent.
C’est une des conséquences des mesures de confinement. En cette période où l’économie est à l’arrêt, l’économie parallèle, et notamment le trafic de stupéfiants, est sérieusement impacté. Y compris à Toulouse, même si la vente de drogue persiste.
« Le cannabis en très forte tension »
« Il y a beaucoup moins de produits à vendre, beaucoup moins de clients », constatait Nelson Bouard, le patron de la police nationale à Toulouse, mardi 7 avril 2020, au cours d’un point presse sur la délinquance et la sécurité. Dans la Ville rose, plaque tournante régionale du trafic de stupéfiants, certains points de deal restent tout de même actifs. « Les personnes qui persistent à stagner au pied des immeubles, sont beaucoup plus visibles qu’avant. Mais il y a d’autres méthodes, qui sont moins visibles », ajoute le directeur départemental de la sécurité publique.
Nathalie Tallevast, directrice du service régional de police judiciaire de Toulouse, confirme la tendance :
Depuis la mise en place des mesures de confinement, on assiste à un bouleversement très fort du marché, tant au niveau national qu’au niveau local. On constate qu’il y a de très fortes difficultés d’approvisionnement, qui touchent tous les produits, avec un produit qui est en très forte tension, c’est le cannabis, que ce soit en résine ou sous forme d’herbe. C’est un produit qui transite à 90% par le vecteur routier, qui vient du Maroc et qui arrive par Espagne, pays soumis aux mêmes mesures que nous, avec des contrôles très renforcés au niveau des frontières. L’OFAST (l’Office Anti-Stupéfiants, ndlr) a constaté que depuis le 15 mars, il n’y a eu aucun chargement de gros ou de semi-gros qui est arrivé en France en provenance du Maroc, via l’Espagne.
La pénurie provoque une augmentation des prix
Le constat est clair : une pénurie de produits stupéfiants s’installe tant au niveau national qu’au niveau local, tandis que les clients se font moins nombreux. Mais le marché des stupéfiants tente de s’adapter, comme le souligne Nathalie Tallevast.
« On estime que les délinquants avaient constitué des stocks. Ils continuent à vendre sur ces stocks, ce qui peut expliquer qu’on ait encore par-ci par-là des points de deal qui sont toujours actifs mais dans une moindre mesure, avec des créneaux horaire beaucoup plus restreints. Le phénomène des drive avec commandes sur Snapchat et la livraison à domicile augmentent, moyennant 10 euros supplémentaires pour la livraison », explique la directrice de la PJ toulousaine.
Autre conséquence : le prix des drogues, et notamment du cannabis, s’envole :
La pénurie entraîne une augmentation très forte du prix des produits. On peut estimer qu’au niveau du cannabis, selon une étude de l’OFAST, qu’il y a une augmentation des prix de l’ordre de 40 à 60 %. C’est le produit qui connaît la plus forte hausse. Hausse qui se répercute également sur le vente au détail. Pour ce qui est de la cocaïne et de l’héroïne, on serait plutôt à 30% d’augmentation, selon cette étude. Localement, on peut estimer que la hausse du cannabis est du même ordre qu’au niveau national. En ce qui concerne la cocaïne, on n’a pas constaté pour l’instant de forte hausse au niveau de la vente au détail. Mais il y a une hausse pour les plus grandes quantités.
« Les délinquants vont essayer de s’adapter »
« Si les mesures de confinement se poursuivent, les délinquants vont essayer de s’adapter, comme toujours », estime Nathalie Tallevast, qui cite l’acheminement par le fret comme une solution envisagée par les grossistes pour importer leur marchandise. Toutefois, les trafiquants semblent en position d’attente, en raison du confinement et des contrôles renforcés qui en résultent :
Dans nos dossiers en cours, on ressent très nettement que les trafiquants n’envisagent pas de faire des transports de grosses quantités vu les contrôles actuels et les risques qu’ils prennent.
« On poursuit nos missions. La lutte contre le trafic de stupéfiants reste une priorité, que l’on suit avec un détachement de l’OFAST qui a été créé très récemment », assure-t-elle.
En mars 2020, le SRPJ de Toulouse a ainsi démantelé un réseau de trafic de drogue à destination du marché toulousain. Au total, 500 grammes de cocaïne, 8,5 kilos de résine de cannabis et 80 000 euros d’avoirs liquides ont été saisis. « La guerre contre le trafic de stupéfiants, que nous menons sans relâche depuis plus de deux ans à Toulouse, continue », martèle de son côté Nelson Bouard. Lundi 5 avril, un dealer bien connu du quartier des Izards a été interpellé, avec 150 grammes de cannabis « soit des quantités bien moindres que ce qu’il est susceptible de vendre », précisait le patron de la police nationale à Toulouse.
Accalmie des règlements de compte
En revanche, la directrice de la police judiciaire à Toulouse constate une « accalmie des règlements de comptes depuis quelques mois, même s’il y a eu une tentative fin janvier ». Comment vont réagir les différents pontes du trafic de drogue à Toulouse, avec les fortes tensions que connaissent ce marché parallèle en raison du confinement ? Il est encore trop tôt pour le dire…
Source : actu.fr