En décidant d’accorder les pleins pouvoirs à son ministre de l’Intérieur en matière de politique des drogues, M. Emmanuel Macron n’a pas seulement répondu aux sirènes sécuritaires d’un lobby policier des plus réactionnaire, non. Il a surtout démontrer l’incapacité absolue des dirigeants français à reconnaître l’échec d’une politique idéologique criminogène et mortifère.
Tandis que partout dans le monde, on s’interroge voire on abandonne la prohibition du cannabis, la France, elle, persiste dans une logique jusqu’au-boutiste sans avenir. Et M. Gérald Darmanin de relancer une énième « guerre à la drogue » visant principalement les usagers, alors que les réseaux criminels continuent, eux, de prospérer, s’adaptant aux gesticulations policières en se réorganisant à coup de règlements de comptes.
La croisade anti-cannabis en cours a ceci de fâcheux qu’elle vient bouleverser une filière qui, depuis quelques années, tente de se développer en dépit des restrictions juridiques. Déjà fortement réglementé dans le cadre de sa production pour son utilisation industrielle (construction, papeterie, textile et alimentaire), le chanvre connait malgré tout un formidable engouement pour les vertus dites de « bien-être » d’un certain nombre de ses cannabinoïdes légaux (CBD, CBG, CBN). Seul le THC, psychotrope, demeure interdit malgré des vertus tout aussi intéressantes, notamment en médecine.
C’est par centaines que se sont ouverts des magasins spécialisés proposant produits dérivés, fleurs, résines et infusions aux extraits de chanvre. Cultivé et transformé un temps dans des pays plus tolérant, c’est désormais en France qu’il est cultivé. Aux près de 2000 boutiques doit-on à présent ajouter des centaines de cannabiculteurs. Cette activité en pleine expansion nécessite des milliers de travailleurs pour cultiver, transformer et vendre. Cela représente d’ores et déjà un bon milliard d’euros de chiffre d’affaire selon certaines études.
C’est à cette formidable dynamique que s’attaque le gouvernement à travers les manœuvres de son ministre de l’Intérieur épaulé par la MILDECA, une institution sensée s’occuper de la prévention mais cependant toute aux ordres de la police et de la gendarmerie. Un comble quand on pense que la question des drogues est avant tout une question de santé publique
La question de la politique des drogues est un sujet suffisamment grave et sérieux pour qu’il ne soit pas abandonné aux seules forces de l’ordre. C’est au ministère de la Santé qu’il devrait en toute logique revenir. Nous sommes ici en présence d’un conflit d’intérêt manifeste, mais tout le monde semble feindre de l’ignorer.
Le Conseil de l’Europe n’a pas été dupe, pas plus que le Conseil Constitutionnel. Le premier en dénonçant l’interdiction de la vente de CBD par la France, le second en cassant le décret visant à interdire la vente des fleurs et feuilles de chanvre à moins de 0,2 % de THC.
L’idée visait à éviter aux policiers la confusion entre chanvre légal et illégal que rien ne différencie si ce n’est l’effet psychotrope. L’incohérence tenait aussi à ce que les produits transformés demeuraient, eux, autorisés comme la résine (haschich). Ubuesque !
C’est donc un camouflet de plus que le gouvernement s’est vu recevoir. La filière chanvre à présent bien organisée au travers d’associations et de syndicats professionnels, a su réagir pour obtenir ce résultat. Gageons que l’État n’en restera pas là.
L’élection présidentielle pourrait néanmoins être une excellente occasion de mettre le gouvernement face à ses contradictions : entre les promesses passées de M. Macron et son actuel positionnement, l’incompétence de M. Darmanin et de Mme Schiappa, et enfin la duplicité de la MILDECA et de ses dirigeants.
Fédération des CIRC