Sébastien Huet et sa compagne Gladys Gabriel forment un jeune couple uni par la même passion : celle de la terre. Après avoir occupé des postes plus classiques, ils décident de tout lâcher pour se lancer dans l’agriculture en s’inspirant des principes de la permaculture. Et s’ils cultivent aussi des légumes, le chanvre est leur plus grande ambition.
Retour à la terre grâce à la permaculture
Ils sont jeunes et ont décidé de donner un nouvel élan à leur vie en travaillant la terre. Gladys, passionnée depuis toute petite par la nature, et Sébastien, qui voulait travailler à l’air libre lui aussi, ont depuis deux ans commencé une aventure permacole en se focalisant sur le chanvre.
Le choix de cette culture si particulière n’est pas dû au hasard. Victime d’un grave accident de la route, Sébastien Huet n’a pas trouvé dans les traitements anti-douleur pharmaceutiques une véritable voie de soulagement, alors que le cannabis lui a été en revanche d’une grande aide. Il prend alors conscience que la nature, dans sa forme la plus simple, peut améliorer son quotidien et décide de vraiment s’y intéresser. Gladys Gabriel, quant à elle, n’aime tout simplement pas les médicaments, et comme beaucoup d’autres Français elle préfère soigner ses petits maux quotidiens avec des solutions les plus naturelles possibles.
Sébastien décide alors d’aller plus loin et d’entamer une formation sur la culture professionnelle de chanvre légal, pendant que Gladys commence le maraîchage. “J’ai mis un an avant de trouver quelque chose de valable”, se souvient-il. À l’issue d’une formation effectuée auprès de Pierre-Yves Normand, ils commencent alors tous deux à cultiver du chanvre, mais aussi à se rapprocher d’autres producteurs, notamment de l’association Perma-Chanvre 17, dont Sébastien est vite devenu un membre actif.
Par prudence, le maire de leur village ainsi que la gendarmerie locale ont été prévenus de leur activité afin d’éviter les soucis inutiles. Car à Montbron, “ça a beaucoup jasé”. Le couple de permaculteurs a même été victime du vol de quelques plants devant leur maison, “probablement des jeunes qui traînaient dans le coin”.
Sébastien et Gladys ont parfois dû surveiller leurs cultures quelques nuits avant les récoltes, mais dans l’ensemble, hormis les racontars, ils n’ont pas eu trop de soucis. Il faut dire que la croissance impressionnante de certains plants ne pouvait pas laisser le promeneur indifférent. Avec des hauteurs dépassant allègrement les 3 mètres, les pieds de Cannabis sativa sur leur parcelle de 1 000 m² offraient en cette fin d’été 2021, un spectacle très dépaysant. Le sol vivant et riche en nutriments, dont ils ont pris grand soin avant de lancer le repiquage des semis au printemps, prouve que la plante s’est parfaitement épanouie sur leur terre, et ce sans intrants chimiques azotés.
Utiliser tout le potentiel de la plante
Le couple possède deux zones de cultures. La première est essentiellement destinée à la fleur, au bien-être, aux extractions, tandis que la seconde parcelle (de 2 000 m²), prêtée par un ami, a pour but de récupérer les graines et de la biomasse pour amender les sols.
« On veut se limiter à ce qu’on peut faire nous-mêmes, à la main ».
Pour le moment, ils font tout à la main, de la récolte au broyage. Ils ne souhaitent pas mécaniser à outrance, même s’ils reconnaissent que l’achat de certaines machines, comme un tracteur ou un broyeur, va devenir nécessaire pour les aider un peu. C’est d’autant plus vrai qu’ils ont l’ambition de créer une variété de produits finis qu’ils commercialiseront par la suite sur les marchés locaux, avec des volumes qui devraient augmenter rapidement.
Alimentaires tout d’abord
Avec les graines récoltées, ils ont déjà commencé à faire de l’huile et de la farine dans un moulin situé à seulement quelques kilomètres de chez eux. Un lieu emblématique du savoir-faire local, où l’eau de la Charente apporte la puissance électrique nécessaire pour faire fonctionner une vieille meuleuse parfaitement entretenue et qui date tout de même de la Révolution française. Regarder la pierre broyer calmement les tourteaux de leur chanvre biologique, réveille une histoire agricole et culinaire que nous avons peut-être oubliée mais que nous connaissons pourtant tous inconsciemment. Et que dire du fin filet d’huile de chanvre qui coule doucement de la presse à froid ? L’or qui en ressort réveille vos papilles en un clin d’œil. C’est la magie des circuits courts, où tout est fait sur place, sans artifice et dans la simplicité la plus totale.
Sébastien et Gladys s’orientent aussi vers des produits transformés, comme des pâtes fraîches, des cookies et des gâteaux secs. Le tout sans gluten, puisque le chanvre n’en contient pas. En revanche, il regorge d’oméga et de nutriments.
Du côté du bien-être, ils ont prévu de faire leur macérât huileux, qui permettra à la fleur de fournir tous ses cannabinoïdes, mais aussi des tisanes. Le reste de la plante repartira à la terre, via un broyage ou un compost de surface en paillage, afin de nourrir le sol et de laisser faire la nature dans son recyclage vertueux. En somme, ils veulent exploiter la plante dans son ensemble, en espérant que la loi française évolue dans le bon sens, car vous l’avez compris, chez Sébastien et Gladys, nous sommes loin du laboratoire d’extraction pour faire de l’isolat de CBD. L’interdiction de la commercialisation de la fleur dans sa forme brute serait évidemment un frein à leur aventure.
Changer les mentalités en informant
Comme tous les producteurs de chanvre bien-être, l’avenir les inquiète. S’ils n’ont pas peur et disent pouvoir s’adapter, ils craignent malgré tout la récupération de la filière par les gros agriculteurs avec une industrie chanvrière très organisée politiquement.
Pour eux, il est important de faire changer les mentalités. La législation encadrée serait une réelle avancée et le CBD devrait pouvoir faire évoluer la pensée dominante.
En revanche, ce qui les agace particulièrement, c’est cette peur du cannabis. “Ce n’est pas pire que l’alcool ou le tabac”. D’ailleurs, d’après ce qu’ils ont pu lire et ce malgré une législation sévère, “on compte 45 % de consommateurs de cannabis en France et le chanvre aide beaucoup les personnes qui souhaitent se sevrer du THC”.
La bonne nouvelle, c’est que leur vœu pourrait bien se réaliser au vu du nombre grandissant de producteurs. Si au début de leur activité il y a deux ans, il y avait peu de gens qui s’intéressaient au chanvre, les choses sont en train de changer. “On voit le nombre de personnes et de cultivateurs grandir de jour en jour, même sur les formations. Il y a clairement un engouement très fort”.
Comme tous, ils espèrent fédérer et regrouper le plus de monde pour faire bouger les choses. En attendant, ils explorent, font des recherches, adhèrent, eux aussi, à l’AFPC et vont continuer leur travail de permaculture dans leur ferme. Le but étant non seulement d’exploiter la plante, mais également de produire de l’information et d’expliquer aux nouveaux arrivants les nombreuses propriétés du chanvre et les indéniables qualités qu’il comporte.