INTERVIEW. Gérald Darmanin annonce notamment que les contrôles routiers seront sensiblement augmentés cette année pour passer à 1 million contre 800 000 en 2022.
Le ministre de l’Intérieur souhaite renforcer la lutte contre l’usage de stupéfiants au volant, qui est devenu l’un des facteurs les plus préoccupants de l’insécurité routière. Il annonce au JDD vouloir prendre des mesures fortes, comme le retrait des 12 points du permis en cas de consommation de drogue au volant.
Le tragique accident mettant en cause Pierre Palmade a remis en lumière le problème de la drogue au volant. Faut-il renforcer la répression ?
Depuis que je suis ministre de l’Intérieur, vous m’entendez parler des graves dangers de l’usage de la drogue dans la société. Avant même le drame que vous évoquez, nous avons renforcé notre dispositif de contrôles routiers contre la drogue. Nous en avons effectué 800 000 en 2022, soit le double des années précédentes. J’ai donné comme instruction d’en faire 1 million cette année. C’est nécessaire : 16 % des contrôles de l’usage de stupéfiants au volant se sont avérés positifs contre 3 % de ceux concernant l’alcool. J’attire l’attention sur le fait que la cocaïne est parfois présentée comme récréative, alors qu’il n’existe pas de drogue récréative : il n’y a que des drogues mortelles. Environ 600 personnes meurent chaque année dans des accidents de la route liés aux stupéfiants.
Quelles mesures comptez-vous adopter en priorité ?
Je propose le retrait des 12 points du permis de conduire pour toute personne qui conduit alors qu’il a consommé de la drogue [la perte du permis n’est aujourd’hui automatique qu’en cas de récidive]. Et également de rendre obligatoire une visite médicale de tout consommateur avéré de drogue pour qu’il soit autorisé à conduire s’il se soigne. Je suis par ailleurs en lien étroit avec Éric Dupond-Moretti pour renommer en « homicide routier » les accidents mortels dus à la drogue et à l’alcool : nous y travaillons depuis décembre dernier, sur proposition des associations.
Dimanche matin sur Twitter, Gérald Darmanin a précisé qu’il voulait« retirer le permis de ceux qui conduisent sous drogue » mais également sous « alcool » « car ils sont des dangers en puissance. » Une « réflexion est en cours pour faire de même » pour les personnes conduisant avec un fort taux d’alcool dans le sang, a précisé l’entourage du ministre, interrogé par l’AFP. Un « seuil » sera « à définir, par exemple supérieur à 0,8 g/litre de sang. Tout cela doit encore être discuté », a ajouté l’entourage.
N’y a-t-il pas aussi des efforts à faire en matière de prévention ?
Oui, il faut encore renforcer ce volet, même si une grande campagne médiatique a été diffusée ces derniers mois pour alerter contre les dangers du cannabis. Je me suis rapproché aussi des ministres de l’Éducation et de la Santé à ce sujet. Dès l’été prochain, policiers et gendarmes seront mobilisés pour sensibiliser tous les publics, notamment les plus jeunes.
La vitesse reste la première cause d’accidents de la route. Pourquoi envisagez-vous de supprimer le retrait de points pour les petits excès de vitesse ?
À la demande du président de la République, nous étudions la suppression des retraits de points pour les petits excès de vitesse et le renforcement des sanctions contre les conducteurs qui roulent sous l’emprise de la drogue : il nous faut être plus dur avec les délinquants et plus compréhensifs avec les gens qui travaillent. Nous maintenons la sanction par le biais de l’amende, mais je considère qu’il est excessif d’accabler les conducteurs du quotidien par un retrait de points pour de petits excès de vitesse, de moins de 5 km/h. Chez moi ; à Tourcoing, il arrive que des personnes qui vont au travail effectuent un trajet aller-retour avec huit contrôles radar. Le risque d’être pris en léger excès de vitesse est donc très élevé.
Les tests salivaires contre les stupéfiants ne distinguent pas les drogues et la quantité de produit consommée, contrairement à l’alcool. N’est-ce pas une difficulté ?
Il y a d’abord une différence majeure à rappeler à tous : en France, la drogue est interdite à la consommation. Par ailleurs, nous travaillons sur les tests avec des entreprises spécialisées, notamment pour affiner les mesures. Et un appel d’offres a été lancé il y a plusieurs mois pour nous permettre d’augmenter le nombre des contrôles, notamment en direction des catégories les plus touchées par la consommation de cocaïne : les hommes, plutôt jeunes et résidents dans les grands centres urbains. Il y a un cas particulier, celui du CBD, un produit stupéfiant mais autorisé à usage thérapeutique et sous certaines conditions.
Comment prendre en compte cette spécificité ?
En tant que ministre de l’Intérieur, mon souci est de protéger la prochaine femme enceinte et le prochain petit garçon de 6 ans de tout accident. Et je rappelle à tous un principe fondamental : on ne doit prendre aucun produit qui altère le discernement pour conduire. C’est aux médecins de définir ce qui altère ou non la conduite. Le message de l’État est clair : nous proposons de renforcer les sanctions contre l’usage de la drogue sur la route. Nous souhaitons appliquer à la lutte contre la drogue au volant ce qui a été fait depuis des années pour l’alcool avec une prise de conscience collective.