Une étude publiée en 2019 par le CHU de Reims prouve que les cas d’intoxication au cannabidiol chez les jeunes de moins de 18 ans touchent Reims et la région depuis 2018.
Je ne vous dirai pas qu’il existe des endroits vraiment plus touchés qu’ailleurs, il faut savoir que le phénomène touche tous les établissements, collèges et lycées, aussi bien publics que privés. Je dis bien tous.» Sébastien Jacques, directeur du Centre d’accompagnement et de soins pour toxicomanes (Cast) de Reims, mettait en garde dès hier, à la suite de l’alerte lancée par une famille rémoise, sur les dangers et la toxicité des mélanges introduits dans certaines fioles de cannabidiol (CBD), vendues sur internet mais également aux portes des collèges et lycées; un phénomène qui aurait pris de l’ampleur dans la région Champagne-Ardenne, notamment à Reims, mais aussi à Soissons et Laon, ces derniers mois. Un cluster d’utilisateurs de CBD a été identifié sur la région de Reims Une première étude, baptisée Vapotox, publiée en mai 2019 et menée par des spécialistes du CHU de Reims – le pôle Urad (Urgences réanimation anesthésie douleur), mais aussi par le laboratoire de toxicologie et de pharmacologie-, a été largement évoquée lors du congrès international de toxicologie de Lille en mai 2019, puis à Bordeaux en septembre dernier. Elle prouve que le phénomène touche la région depuis bientôt deux ans. « C’est un phénomène que nous connaissons malheureusement depuis 2018, reconnaît Francis Grossenbacher, toxicologue clinicien au pôle Urad du CHU de Reims. Nous avons vu arriver des premiers cas d’intoxication au CBD et aux cannabis de synthèse avec des symptômes qui n’étaient pas répertoriés, des symptômes très curieux… Nous avons alors mené l’enquête et je peux vous dire que cette situation est très préoccupante. La majorité des personnes qui ont été admises aux urgences étaient mineures, certaines avaient moins de 16 ans. »
Une première vague en 2018, une centaine de cas en 2019
En septembre dernier, une publication sur la situation rémoise a été présentée lors du congrès de toxicologie clinique à Bordeaux. Elle fait état d’une première vague en 2018, de «19 patients âgés de 15 à 20 ans admis aux urgences du CHU de Reims, à la suite de l’utilisation d’une e-cigarette supposée contenir du cannabidiol ». Les tableaux cliniques peu spécifiques documentés rétrospectivement n’avaient alors pas permis d’identifier la cause des effets observés. La probable présence dans l’e-liquide consommé de nouveaux produits de synthèse (cannabinoïde de synthèse), de cannabidiol (CBD), mais aussi de THC faisait partie des hypothèses les plus probables. C’est la raison pour laquelle l’ARS Grand Est avait organisé un suivi prospectif des futurs patients pris en charge aux urgences afin de documenter et de suivre ces cas (enquête Vapotox). Ces cas avaient alors fait l’objet d’une communication orale au congrès de Lille. Toujours selon cette publication, «la notification en 2019 de nombreux autres cas (plus d’une centaine) en relation avec une exposition aux e-cigarettes avec du e-liquide étiqueté CBD a par ailleurs été observée dans la région rémoise. Ce signal de santé publique en addictovigilance a intéressé l’ARS Grand Est en juillet 2019 avec le lancement d’une étude régionale auprès des urgentistes de la Marne et de la Haute-Marne. Un cluster d’utilisateurs de CBD ayant été identifié sur la région de Reims, un comité de pilotage a été créé regroupant des urgentistes du CHU Reims, du Centre antipoison et de toxicovigilance de l’ARS Grand Est, du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance de Nancy, mais aussi de l’Éducation nationale, de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies et d’autres acteurs». Comme le précisait hier Sébastien Jacques, directeur du Cast, l’ARS émet régulièrement des alertes à ce sujet et «sur la toxicité de ces fioles. Les consommateurs ne savent pas avec quoi c’est coupé, on peut retrouver là-dedans plus de 500 produits différents». Lors du congrès de Bordeaux, il était précisé que les dernières données médicales rémoises (extraction 2018-19) faisaient état «de plus de 101 cas passés aux urgences avec notion d’usage d’e-cigarette. Le nombre de puffs (inhalation) étant souvent inférieur à 5, la quantité de produit absorbée est de fait réduite et les screenings urinaires sont souvent négatifs de ce fait. Seulement 48 cas ont pu être étudiés biologiquement dans les urines, dont 12 positifs au THC, 5 au cannabis de synthèse (dont 4 au XRL11), 2au CBD et 2 à la cotinine. Les dosages sanguins sont anecdotiques du fait d’une fugacité des toxidromes ou du retard à la consultation médicale».
Le cannabis de synthèse a une action 100 à 200 fois plus puissante que le THC
Mais, comme le précise Francis Grossenbacher, «le cannabis de synthèse a une action de 100 à 200 fois plus puissante que le THC avec un risque d’accoutumance. Le problème étant que la plupart des adolescents ayant présenté des symptômes sont renvoyés chez eux par la vie scolaire, sans passer par la case urgences ou médecins. Seuls des signalements peuvent être remontés, alors que le phénomène tend à prendre une ampleur nationale». Et, dans le même temps, le nombre de plaintes parentales est faible.
Caroline Garnier
Source : Lunion.fr