Introduction
Le chanvre, plante aux multiples usages depuis l’Antiquité, a été au cœur de nombreuses pratiques culturelles, médicales et récréatives. Si son utilisation était répandue dans les ères grecque et romaine, elle a connu des fluctuations au cours du Moyen Âge. L’interdiction du chanvre par un édit papal en 1484 a marqué une période de restrictions, bien que la plante ait persisté, particulièrement en Europe du Nord et de l’Est. Cette étude se concentre sur Milan au XVIIe siècle, explorant l’utilisation du cannabis à travers des analyses toxicologiques sur des restes humains.
Contexte historique
Évolution de l’usage du cannabis
Le cannabis, initialement utilisé comme fibre textile, a également été employé à des fins médicales en raison de ses propriétés analgésiques. Cependant, au Moyen Âge, son utilisation médicinale a décliné, bien que persistante. L’interdiction papale de 1484 n’a pas entravé complètement sa diffusion en Europe, avec des importations d’Afrique et d’Asie au XVIe siècle à des fins médicales.
Recherche archéotoxicologique
Les études archéotoxicologiques, bien que rares dans la littérature, offrent un moyen unique de comprendre les habitudes de populations passées. Celles-ci ont révélé la présence de substances telles que la cocaïne, la nicotine et le cannabis dans des restes pré-Columbiens. Cependant, avant cette étude, le cannabis n’avait jamais été détecté dans des restes humains avant le XXIe siècle.
Méthodologie
Collecte et stockage des échantillons
Neuf échantillons d’os fémoraux ont été prélevés dans la crypte de l’Ospedale Maggiore de Milan. Les échantillons ont été stockés dans des conditions environnementales similaires à celles de la crypte jusqu’à l’analyse. Les investigations toxicologiques se sont concentrées sur l’épiphyse fémorale proximale.
Analyses toxicologiques
Les échantillons osseux ont été décalcifiés dans une solution d’EDTA à 12,5% avant d’être analysés à l’aide d’une spectrométrie de masse à triple quadrupôle. Les résultats ont révélé la présence de deux cannabinoïdes, Delta-9-tétrahydrocannabinol (Delta-9-THC) et cannabidiol (CBD), dans 22% des échantillons.
Découverte du cannabis à Milan au XVIIe siècle
Cette étude menée par des scientifiques de l’université de Milan révèle des preuves de l’usage récréatif du cannabis. Le contexte historique souligne l’évolution de l’usage du cannabis depuis l’Antiquité, avec une interdiction papale en 1484 marquant une association avec le paganisme et une rébellion contre l’Église.
Des chercheurs, dirigés par la biologiste Gaia Giordano, ont mené une étude novatrice sur des fémurs provenant de la crypte Ca’ Granda à Milan, découvrant des traces de THC et de CBD. C’est la première fois que du cannabis est détecté dans des ossements humains, remettant en question l’idée selon laquelle le cannabis a disparu des archives historiques après l’interdiction papale.
Résultats et discussion
Usage récréatif ou médicinal ?
Les résultats de l’étude indiquent que le cannabis était probablement utilisé à des fins récréatives à Milan au XVIIe siècle, car les dossiers médicaux de l’Ospedale Maggiore n’incluaient pas le cannabis parmi les plantes médicinales. L’archéotoxicologue Domenico di Candia suggère que les conditions difficiles à Milan au XVIIe siècle ont pu contribuer à l’usage récréatif du cannabis.
Production historique de chanvre en Italie
Le rôle historique de l’Italie en tant que grand producteur de chanvre ajoute une autre couche aux conclusions. Le cannabis aurait pu être consommé pour ses effets psychoactifs, soutenu par la popularité historique du chanvre dans diverses industries. Marco Perduca, ancien sénateur italien, estime que la stigmatisation de la consommation de cannabis est enracinée dans la perception du cannabis comme une substance défiant l’obéissance, en particulier vis-à-vis de l’Église catholique.
Conclusion
Cette étude révolutionnaire fournit la première preuve tangible de l’utilisation du cannabis à l’époque moderne en Italie et en Europe. Les résultats suggèrent un usage récréatif, soulignant l’importance des études archéotoxicologiques dans la compréhension des pratiques passées. L’exploration continue de ces vestiges offre des perspectives nouvelles sur la diversité des habitudes et des influences culturelles au fil du temps.
Impact social et perspectives
L’étude met en lumière les conditions difficiles du XVIIe siècle à Milan, caractérisées par la famine, la maladie et la pauvreté, qui pourraient avoir contribué à l’usage récréatif du cannabis. Les résultats soulèvent des questions sur la stigmatisation persistante associée à la consommation de cannabis, en particulier en Italie, malgré sa légalisation médicale actuelle. Les débats sur l’acceptation plus large du cannabis, y compris l’inclusion du CBD dans les tableaux des stupéfiants, continuent d’alimenter les discussions en cours en Italie et ailleurs dans le monde.
LIRE AUSSI : L’histoire fascinante du cannabis : des anciennes reliques asiatiques à la contemporanéité