La situation devenait invivable pour la population de Guénange. Les incivilités au pied des immeubles et la présence envahissante des dealers n’étaient que la face visible d’une violente guerre entre réseaux qui a fait des victimes. Entamé en 2016, le travail des forces de l’ordre a poussé le trafic hors des rues de la cité. Pour les habitants, ça change tout.
Guénange redevient Guénange. Une petite cité où il fait bon vivre, après des années où cette carte postale avait été sérieusement abîmée. La commune mosellane, posée le long de l’A31, entre Metz et Thionville, était devenue un super drive de la drogue. Un terrain et des trottoirs qui valaient de l’or pour les trafics organisés. Et une terre devenue inhospitalière pour les habitants du quartier de la République. Il a fallu du temps, plus de trois ans, et une volonté judiciaire pour tourner la page de ce mauvais chapitre de l’histoire locale. Plusieurs opérations et une présence de tous les instants de la gendarmerie, depuis 2018, ont permis de couper les têtes de nombreux trafics. Et d’éradiquer le deal de rue.
La guerre que se sont livrés plusieurs gangs pour gérer l’endroit a finalement entraîné leur perte. Ou, du moins, l’a accélérée. Parce que le parquet de Thionville avait élevé les stupéfiants à Guénange au rang de priorité, dès 2016. Des événements ont provoqué une accélération : des coups de feu tirés dans le quartier de la mairie, en janvier 2018. Un véhicule de gendarmerie percuté lors d’un contrôle, quelques semaines après. « Cette violence devenait inquiétante », assure un gendarme. La réaction est proportionnelle au printemps 2018 avec la création d’un groupe d’enquête « stups Guénange », qui n’a cessé de s’étoffer avec des hommes de la compagnie de Thionville et les spécialistes de la Section de recherches (SR) de Metz.
Des enquêtes en profondeur et un harcèlement des petits dealers
Au mois de juillet suivant, la blessure par balle d’un dealer parvenu à se réfugier dans un commerce permet aux enquêteurs de mieux comprendre le conflit de territoire en cours. Plusieurs bandes convoitent deux points de deal extrêmement rémunérateurs. Ils peuvent accueillir certains jours 200 clients. « Ils amassaient des milliers d’euros par jour », indique le colonel Gérard Cligny, commandant de la SR. Les têtes des réseaux et leurs proches lieutenants, installés à Fameck, Uckange ou Thionville, ne savent discuter qu’avec les armes.
Après des mois de surveillance, une première équipe tombe le 9 décembre 2018. Quatre personnes sont interpellées en urgence par les enquêteurs et le GIGN de Reims, au moment où le chef prépare, depuis le fond de sa cellule où il est incarcéré pour autre chose, une opération pour reprendre Guénange dont il vient d’être évincé. C’est le premier coup porté en profondeur. En parallèle, les gendarmes de la brigade locale harcèlent les dealers et dérangent terriblement le terrain, notamment des petites mains venues d’Orléans. « Ils ne dirigeaient pas mais œuvraient pour d’autres », expose le commandant Hugo Dorlin, patron de la compagnie de Thionville.
« Ça reste fragile »
Deuxième coup de boutoir : le 18 décembre, une bande rivale est démantelée, cinq cibles sont arrêtées. En fuite, le principal organisateur est arrêté plus tard par le GIGN dans le cadre d’une affaire d’enlèvement et séquestration. Une troisième équipe est stoppée net dans sa quête de pouvoir entre février et juin 2019. Dix-huit individus sont aujourd’hui mis en examen dans le cadre de longues investigations, plusieurs sont incarcérés. « Il y a eu des tentatives de certains de revenir à Guénange mais le travail des gendarmes de la compagnie les en a empêchés », prolonge le colonel Cligny. Des dizaines de petits dealers et consommateurs ont été interpellées ces derniers mois.
« C’est bien sûr fragile, reconnaît le commandant Dorlin. Mais éviter la réimplantation de nouveaux dealers est notre objectif. On tient à ce que les habitants vivent désormais dans la tranquillité. »
Source : Le Républicain Lorrain