Les consommateurs de crack ont pris l’habitude de se rassembler le soir au début de cette avenue du 19e arrondissement. Le 30 avril et le 1er mai, ils auraient été visés par des tirs de mortier d’artifice lancés par des habitants du quartier, excédés.
Par Stéphanie Marteau
Publié le 11 mai 2021
Sanctuaire du crack
C’est désormais là, au début de l’avenue de Flandre, devant le siège de la Cramif (caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France), que trafiquants et consommateurs s’agrègent chaque soir dès que ferme le jardin d’Eole, un parc public du quartier où les fumeurs de crack passent la journée. Pour François Dagnaud, le maire du 19e arrondissement, l’endroit est devenu depuis un an « le sanctuaire européen du crack, avec une file active de 200 trafiquants et consommateurs ». Les 30 avril et 1er mai, des mortiers d’artifice ont été tirés en direction des toxicomanes rassemblés comme chaque nuit sous les fenêtres des habitants du 15, avenue de Flandre. Le parquet a ouvert une enquête. Depuis, des renforts policiers ont été dépêchés.
Mendicité agressive
Depuis plus d’un an, selon les riverains, la bouche de métro de la station Stalingrad située avenue de Flandre est impraticable entre 21 heures et 6 heures, envahie par des dizaines de toxicomanes en manque qui pratiquent une mendicité agressive. A cause du tapage nocturne, certains habitants du quartier dont les fenêtres donnent sur la rue dorment dans leur salle de bains. Exaspérés, d’autres lancent des seaux d’eau sur les drogués qui se soulagent sous leurs fenêtres ou font des passes en pleine rue, quand ils ne se battent pas à coups de machette. « On subit, et je me fais prescrire des médicaments pour ne pas péter les plombs », raconte un habitant.
« Junk drogue »
Le crack est de la « junk drogue », et c’est la raison de son succès : peu chère (entre 10 et 15 euros le « caillou », d’où l’on tire en moyenne 4 doses), facile à produire (il suffit de mélanger puis de chauffer la cocaïne avec du bicarbonate de soude), il est très addictif et il n’existe pas de produit de substitution. Si la place Stalingrad, lieu de trafic depuis les années 1980, avait connu un léger répit ces dernières années, il n’a pas duré. En novembre 2019, le démantèlement raté, faute d’accompagnement, d’un autre haut lieu du trafic, la « colline du crack » (porte de la Chapelle, 18e arrondissement), a disséminé les toxicomanes du Nord-Est parisien et les a redistribués vers Stalingrad. Trois mois plus tard, le premier confinement a aggravé la situation.
Politiques impuissants
De nombreux élus reprochent son inaction à la Préfecture de police de Paris, alors que le trafic, tenu par des filières ouest-africaines, s’opère à la vue de tous. « La police n’est pas dans une logique de tarissement, mais au contraire de convergence et d’agrégation de ces populations toxicomanes », regrette un conseiller municipal PS du 19e arrondissement.
En dehors des interdictions de paraître ou des injonctions de soins, la justice est, quant à elle, à peu près impuissante. « Le “plan crack”, signé en 2019 entre la Préfecture, le parquet et les acteurs de la lutte contre les toxicomanies, arrive à son terme en 2021 et n’a pas tenu ses objectifs », avoue Nicolas Nordman, adjoint à la sécurité de la maire de Paris.
Source : Lemonde.fr