Après l’accident de voiture de Pierre Palmade, contrôlé positif à la cocaïne, Gérald Darmanin a annoncé sa volonté de réprimer davantage la conduite sous l’emprise de stupéfiants. Mais ses mesures resteront inefficaces si la nature même des contrôles n’est pas modifiée, estime Bénédicte Desforges, porte-parole du collectif « Police contre la prohibition », auprès de « Marianne ».
« Renforcer les sanctions contre l’usage de la drogue sur la route. » Tel est l’objectif du gouvernement, annoncé par Gérald Darmanin au JDD, ce samedi 18 février. Après l’accident de voiture de l’acteur Pierre Palmade, contrôlé positif à la cocaïne, le ministre de l’Intérieur plaide en faveur du retrait de permis « pour toute personne qui conduit alors qu’il a consommé de la drogue » ou souhaite encore « renommer en homicide routier » les accidents mortels dus aux stupéfiants et à l’alcool.
Pour Bénédicte Desforges, porte-parole du collectif « Police contre la prohibition », ces mesures resteront toutefois inefficaces, les tests actuellement utilisés par les forces de l’ordre ayant un certain nombre de limites. Auprès de « Marianne », l’ancienne lieutenant de police appelle plutôt à contrôler les comportements et réflexes des automobilistes afin de rendre la route plus sûre.
Marianne : Selon vous, les mesures souhaitées par le ministre de l’Intérieur ne sont pas assez ambitieuses. Pourquoi ?
Bénédicte Desforges : Parce qu’elles restent basées sur un moyen de détection des stupéfiants qui est incomplet. Donc même si l’on double ou triple les contrôles, cela ne changera rien au problème. Ces mesures sont simplement une sorte d’extension de la loi de répression sur l’usage des stupéfiants. Or faire plus de répression pour faire plus de répression, ce n’est pas forcément utile… Ce qu’il faut pour rendre la route moins dangereuse, ce sont des contrôles plus efficaces.
La formulation de la loi concernant la conduite sous stupéfiants est différente de celle pour l’alcool, puisqu’il s’agit de savoir si le conducteur a « fait usage de substances » et non s’il est « sous emprise ». Quel problème cela pose ?
Les effets de l’alcool sont plutôt simples à mesurer. L’éthylomètre définit le taux alcoolémie, celui-ci étant parfaitement linéaire avec l’état de celui qui le passe. C’est pour cela qu’il y a un seuil légal et que l’on juge qu’en deçà, un automobiliste n’est pas dangereux. D’ailleurs, la pertinence de ce seuil, elle-même, pourrait être débattue…
Mais concernant les stupéfiants, impossible de fixer une limite, puisque ce sont des produits illicites en France. Alors on parle « d’usage » du produit et non de son « influence » ou de « ses effets ». Pourtant, avec le cannabis notamment, l’imprégnation dépend de chaque individu, selon son poids, son âge… Il est possible d’être testé positif en raison d’un joint fumé plusieurs jours auparavant et dont les effets ne sont plus ressentis. C’est comme si pour l’alcool, on ne contrôlait pas l’alcoolémie, mais les gamma GT [substances présentes dans plusieurs organes, particulièrement dans le foie, qui augmentent avec la consommation d’alcool, N.D.L.R.], cela n’a pas vraiment de sens.
Pourquoi jugez-vous que les tests salivaires actuellement utilisés ne sont pas pertinents ?
Il existe plusieurs modèles de DrugWipe [tests salivaires de dépistage de drogues, N.D.L.R.], mais ceux utilisés en France ne détectent pas tous les stupéfiants. La 3-MMC, la kétamine ou encore le GHB passent à travers et très souvent, les consommateurs le savent. Les pouvoirs publics ne peuvent pas porter un discours moral sur les drogues de synthèse tout en les laissant indétectables au volant.
Ce ne sont pas les seules limites de ces tests salivaires, qui ont, en outre, un coût financier. Il y a, par exemple, une proportion non négligeable de « faux positifs » et des tests utilisés alors qu’ils sont périmés, donc encore moins fiables. Pour le cannabis, les fumeurs passifs peuvent aussi être contrôlés positifs. Enfin, certains médicaments sur prescription, qui peuvent eux aussi altérer la conduite de ceux qui les prennent, ne sont pas détectables. Il faut qu’un accident grave survienne pour que les assurances s’en mêlent et que des analyses attestent de leur présence…
Face à ces limites, vous proposez une autre solution. En quoi consiste-t-elle ?
Nous pensons que des tests comportementaux seraient bien plus efficaces que des tests salivaires. Beaucoup de pays, y compris en Europe, les pratiquent. Cela consiste en une liste de vérifications que l’agent de police effectue auprès de l’automobiliste sur le lieu du contrôle. Il s’agit d’observer ses réflexes à travers différents points, comme la démarche, la coordination des mouvements, l’élocution ou encore la dilatation des pupilles. Avec un tel test, c’est donc bien une potentielle altération de la capacité à conduire qui est recherchée et non forcément la consommation. Si rien de particulier n’est relevé et que les cases ne sont pas côchées, le contrôle routier est terminé. En cas de doute, un test salivaire peut toujours être effectué.
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