Les consommateurs de drogue pris sur le vif vont devoir s’acquitter d’une amende de 200 euros. De parole d’addictologues, « agir » efficacement exige pourtant de distinguer qui consomme quoi, pour ensuite orienter en surmontant l’aversion morale envers ces « toxicos » qui font peur. Hans Lucas via AFP
Publié le 8 Septembre 2020 | Par Claire Chartier
En instaurant une amende forfaitaire pour consommation de stupéfiants, le gouvernement soulage le quotidien des policiers mais rate une occasion de réfléchir à la pertinence de la politique antidrogues.
Une sanction, immédiate et frappant virilement au portefeuille : la démarche semble de pur bon sens. Fini les « rappels à la loi » indolores, le consommateur pris la main sur le joint devra s’acquitter d’une amende de 200 euros. L’idée est excellente s’il s’agit de soulager la tâche des policiers et des magistrats, submergés par ce qu’ils nomment un « contentieux de masse ». Elle est politiquement bienvenue, tandis que la droite d’opposition entonne à gorge déployée, en cette rentrée, le refrain sécuritaire – c’est toujours dans les vieux juke-boxes qu’on trouve les meilleurs tubes. Elle est désespérante, si l’on délaisse la perspective de « l’ordre public » pour se placer dans celle de la santé, publique elle aussi. Aucune réflexion de nature un tant soit peu préventive ou thérapeutique n’accompagne cette mesure. Rien n’est prévu pour épauler le consommateur aux penchants illicites dont on sait bien, au fond, que 200 euros ne suffiront pas à lui faire lâcher sa dose. Il ira se droguer ailleurs, se fournira par Internet. Pire, les jeunes, toujours premiers de la classe en Europe pour leur consommation de cannabis, ne sont pas concernés par cette amende bien qu’ils soient ceux dont il faudrait se préoccuper en priorité – 7,5 % d’entre eux présentent un risque d’usage problématique. Autant dire que la pression des acheteurs et des vendeurs s’intensifiera à leur endroit.
De parole d’addictologues, « agir » efficacement exige pourtant de distinguer qui consomme quoi, pour ensuite orienter en surmontant l’aversion morale envers ces « toxicos » qui font peur. Hélas, toute réflexion invitant à revisiter la loi de 1970 qui considère la consommation de cannabis comme un délit pénal se fracasse sur les sempiternels procès en laxisme. Alors que son bilan est nul. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies note lui-même que le nombre d’infractions à la législation sur les stupéfiants a été multiplié par plus de 50 depuis l’entrée en vigueur du texte. En France, l’anathème tient lieu de politique anti-stupéfiants. Quel que soit le gouvernement.