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Cette semaine, nous avons choisi de consacrer notre dossier de couverture aux nouvelles routes de la drogue. Cap sur les tropiques pour la cocaïne et l’héroïne, aurait-on pu titrer. Parce que les tendances qui se dessinent sont des tendances lourdes, qui révèlent à quel point les trafiquants s’adaptent aux changements géopolitiques pour diversifier leurs circuits de distribution et inonder de nouveaux marchés. La guerre contre la drogue, quoi qu’on puisse en penser, est bel et bien perdue d’avance. Entre 2009 et 2017, la consommation mondiale de stupéfiants a ainsi augmenté de 30 % selon le dernier rapport de l’Office des nations unies contre les drogues et le crime (Onudoc). Et l’inventivité des cartels et autres mafias pour déjouer les systèmes de surveillance semble n’avoir plus de limites.
Océanie, Afrique, États-Unis… C’est la conjonction de plusieurs articles publiés sur le même sujet et dans des zones géographiques variées qui nous a décidés à “monter” ce dossier. L’un du Guardian, sur la route de la cocaïne dans le Pacifique, l’autre de The Economist sur les nouvelles filières de l’héroïne en Afrique. Les ravages sont considérables, des îles Fidji au Mozambique. Enfin, un troisième du quotidien croate Vecernji List sur la route des Balkans.
Que racontent au fond ces trois articles ? La même chose. On a longtemps pensé que les consommateurs de drogues se trouvaient au nord, dans les pays riches, et les producteurs “au sud”, dans les pays dits en développement. En fait, comme pour les autres secteurs d’activité, les trafiquants se sont adaptés au marché. Et ce sont aujourd’hui les pays émergents qui dopent la demande.
Décrypter, donner du sens à des actualités, proposer des articles qui ont été publiés dans des médias de pays différents, les faire se répondre, se contredire et se compléter, en respectant bien sûr les textes originaux et l’intention de leurs auteurs. C’est là notre responsabilité éditoriale.
Courrier international est un hebdomadaire à part, au sens que nous n’envoyons pas de journalistes en reportage, nous ne produisons pas d’analyses, mais nos équipes lisent, sélectionnent et traduisent pour vous le meilleur de la presse internationale. Qu’elles contextualisent ensuite pour vous permettre de mieux comprendre un phénomène, qu’il soit local, régional ou mondial.
Nous sommes un peu la chambre d’écoute du monde. Dans l’avalanche d’informations qui finit par nous submerger, il s’agit pour nous de renvoyer l’écho le plus juste de ce qui s’écrit ailleurs, des analyses et des tendances de la presse russe, britannique, chinoise, arabe… Il s’agit de repérer les liens et les correspondances, d’être surpris et de vous surprendre, de déplacer notre regard. Nous regarder d’ailleurs, et regarder ailleurs.
Chaque semaine, dans cette colonne, plutôt qu’un édito, nous tenterons de mieux faire comprendre nos choix, notre sélection. Face à la défiance croissante affichée à l’égard des médias – et dont nous ne pouvons pas ne pas tenir compte –, il me paraît plus que jamais nécessaire d’expliquer les coulisses de notre travail, en toute transparence, et de montrer la richesse et la pluralité de la presse mondiale.
Cette confrontation permanente des idées est au cœur de l’identité de Courrier international. Cela ne changera pas.
Éric Chol a quitté le journal début juillet. Je lui souhaite le meilleur pour la suite. Je le remplace à la direction de la rédaction après avoir travaillé sept ans à ses côtés. Avec quelques idées simples en tête : anticiper les problématiques de demain, raconter le monde différemment, en esquissant toujours un pas de côté (grâce au regard de la presse étrangère) et vous donner à vous, lecteurs, le même plaisir à lire l’hebdomadaire et notre site que nous avons à les faire.
Source : Courrier International