Parmi les nombreux sujets sécuritaires à traiter, celui des stupéfiants apparaît crucial. Il est regrettable qu’Emmanuel Macron ait semblé abandonner sa promesse de « grand débat national » en excluant la dépénalisation du cannabis.
Editorial. Cinq jours après le meurtre du brigadier Éric Masson lors d’un contrôle antidrogue à Avignon, le gouvernement a promis de durcir les peines à l’encontre des agresseurs de policiers. Un projet de loi antiterroriste a été mis en avant au lendemain de l’assassinat d’une fonctionnaire à Rambouillet. De même, l’exécutif annonce une modification des règles de l’irresponsabilité pénale, à la suite de l’émotion suscitée par l’impasse judiciaire après le meurtre de Sarah Halimi. Cette volonté de répondre par une loi à chaque choc suscité par un fait de société violent contredit les déclarations d’Emmanuel Macron qui, avant son élection, s’était déclaré hostile à une politique dictée par « la tyrannie des événements ».
Pareille frénésie législative vise à répondre à l’anxiété de la population dans le contexte de la campagne des élections régionales dominée par le thème sécuritaire sous la pression de la droite et de l’extrême droite. Cet engrenage est dangereux car il accrédite deux idées fausses : celle selon laquelle la loi peut tout régler et celle qui présente la justice comme laxiste. Au prochain fait divers dont toutes les circonstances n’auront pas été anticipées par un texte, la déception est garantie, au risque de conforter le « sentiment d’insécurité ».
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Impliquer élus et citoyens
Alors que « la sécurité et la lutte contre le terrorisme » sont jugées prioritaires par 72 % des Français, ces thèmes méritent mieux qu’une surenchère politicienne. Il ne s’agit pas seulement d’accorder les moyens nécessaires aux forces de l’ordre et à la justice, mais d’impliquer élus et citoyens. La gauche, longtemps angélique sur le sujet, a fini par reconnaître, dans sa majorité, à quel point la sécurité est une protection dont manquent les plus faibles.
Parmi les nombreux sujets sécuritaires à traiter, celui des stupéfiants apparaît crucial. Leur trafic finance des pans entiers de la population de certains quartiers, tout en alimentant violence et armement. Dans ce domaine complexe, une réalité s’impose : « l’échec de la politique répressive menée depuis cinquante ans tant en termes de sécurité que de santé publique ». Ce constat vient d’être posé par une mission d’information parlementaire sur les usages du cannabis. La prohibition n’empêche pas les Français d’être les plus gros consommateurs de cannabis d’Europe, ni des produits de plus en plus toxiques de circuler ni le crime organisé de prospérer;
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La question des drogues, enjeu à la fois sociétal, sanitaire, policier et géopolitique, n’est soluble ni dans les slogans simplificateurs ni dans le tout-répressif. Après des années d’impasse, les Français sont prêts à cette discussion. Raison de plus pour l’engager au plus vite et sans tabou.
Source : Lemonde.fr