Pour réussir, le projet porté par Emmanuel Macron pour la ville devra se distinguer des tentatives ratées du passé.
par Stéphanie Aubert, à Marseille
Marseille, ses écoles délabrées, ses règlements de compte, ses immeubles effondrés… Entre caricature, clichés et réelle détresse, la ville s’apprêterait-elle à passer du statut de cause perdue au rang de cause nationale ? Avec d’un côté, un président LREM qui désigne Marseille comme sa « ville de cœur » et de l’autre, un maire issu du Printemps marseillais qui répète à l’envi qu’il « n’y a pas d’amour, mais seulement des preuves d’amour », il n’aura fallu que l’étincelle d’une blanquette de veau partagée à l’Élysée en mars pour s’entendre sur les sentiments et envisager la suite de l’histoire. Benoît Payan, l’homme qui voulait un milliard, notamment pour retaper ses écoles jadis qualifiées en une de Libé de « Honte de la République », a visiblement été entendu.
Si à l’origine, la visite de Macron avait pour objet le Congrès mondial de la nature, prévu de longue date dans la ville, la détérioration du climat marseillais, durant un été particulièrement meurtrier, l’a transformée en débarquement en force. Les difficultés endémiques du milieu naturel local – l’école, le trafic de drogue, l’habitat insalubre, le manque de transports, etc. – auxquelles fait face la deuxième ville de France, et la biodiversité planétaire : rien que ça au programme des trois jours de visite d’un seul homme, fût-il président de la République…
Sur la nature, on ne s’avancera pas, mais sur la ville, le plan en béton armé annoncé a l’ambition de ne pas ressembler aux – nombreuses – tentatives précédentes, vise large et brandit le partenariat avec les institutions locales comme la solution. Jusqu’à quel point et avec qui pour gérer les centaines de millions promis ? Là réside sans doute le nouveau deal proposé par l’État à Marseille. Pour une ville qui entretient des rapports compliqués, et pas seulement sur les terrains de football, avec les « Parisiens », espèce considérée comme invasive, le challenge est à la hauteur de l’incurie des décennies précédentes, qui ont vu Marseille s’enfoncer durablement. Avec toutes ses difficultés cumulées, comme un condensé des plaies de tout un pays. Reste à espérer que, pour une fois, l’urgence du défi à relever l’emporte. Et enfin sauver la planète Marseille ?
Source : Libération.fr