« Les personnes les plus à risques de l’usage de cannabis (les jeunes) sont les plus exposées, alors que celles qui pourraient bénéficier de ses vertus thérapeutiques n’y ont pas accès »
Un jour, la France légalisera le cannabis. Parce que l’opinion publique y est de plus en plus favorable. Parce que les expériences de légalisation à l’étranger sont concluantes. Parce que le coût de l’approche répressive n’a d’égal que son inefficacité, surtout en France. Notre pays est devenu l’un des plus grands consommateurs de cannabis en Europe, rappelle l’Observatoire français des drogues et toxicomanies.
La consommation de cannabis est particulièrement nocive chez les adolescents, à un âge ou les capacités cognitives sont encore en développement. C’est ce risque, indéniable, que mettent en avant les opposants à la légalisation. Pourtant, la prohibition a échoué à protéger les jeunes. « En 2017, quatre jeunes de 17 ans sur 10 en avaient déjà fumé et une part non négligeable (8 %) en avait consommé 10 fois ou plus au cours du dernier mois », explique l’OFDT dans son nouveau rapport.
La légalisation, à partir de 18 ans, peut mieux protéger les mineurs. C’est ce que montre une nouvelle étude de la Montana State University menée entre 1993 et 2017 sur plus d’un million de lycéens américains. Elle conclut à une baisse de 10% de la probabilité de consommation parmi les adolescents dans les Etats où l’usage récréatif a été légalisé. Les chercheurs expliquent ce résultat par le fait qu’« il est plus difficile pour les adolescents d’obtenir de la marijuana quand les dealers de drogue sont remplacés par des dispensaires demandant un justificatif d’âge ».
Monde à l’envers. Retour en France où la consommation de cannabis est punie d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende. La loi ne fait même pas de distinction entre usage récréatif et thérapeutique. Cela pourrait enfin changer : l’Agence du médicament a décidé de suivre l’avis de son comité scientifique spécialisé temporaire pour lancer un projet d’expérimentation du cannabis thérapeutique sur vingt-quatre mois, validé par le ministère de la Santé.
Rendez-vous donc en 2022. La France prend son temps alors qu’elle est déjà en retard. Les traitements à base de cannabis sont légaux chez 21 de nos voisins européens qui ont fait évoluer leurs lois avec la science. Les patients français atteints de sclérose en plaques, sous chimiothérapie ou en soins palliatifs ont donc la malchance de vivre du mauvais côté de la frontière entre médicament et stupéfiant.
Le monde tourne à l’envers : les personnes les plus à risques de l’usage de cannabis sont les plus exposées, alors que celles qui pourraient bénéficier de ses vertus thérapeutiques n’y ont pas accès. Triste réalité française après cinquante ans de logique répressive.
L’urgence c’est de légaliser l’usage thérapeutique du cannabis pour soulager les malades. Le bon sens c’est de légaliser aussi son usage récréatif pour protéger les jeunes. La légalisation permet de mieux réguler, d’encadrer, de contrôler la qualité, de faire de l’éducation et réallouer les moyens de la répression vers la prévention. Pour reprendre une formule chère aux addictologues, la première étape vers la résolution d’un problème est de reconnaître son existence. Il est temps pour la France de reconnaître que la prohibition du cannabis est devenue un problème.
Maxime Sbaihi est directeur général du think tank libéral GénérationLibre.
Source : https://www.lopinion.fr/edition/economie/cannabis-lethargie-francaise-193935