Depuis qu’Elon Musk a tiré sur un joint lors du podcast de Joe Rogan en 2018 (image de couverture), l’opinion publique et les médias s’interrogent sur l’impact de la consommation de substances sur son comportement. Le milliardaire sud-africain, souvent décrit comme un génie excentrique ou un troll d’extrême droite, suscite fascination et inquiétude. Mais est-il légitime d’attribuer ses décisions controversées et ses prises de position polarisantes à sa consommation de drogues ?
L’amalgame entre consommation de drogues et comportement déviant
L’idée selon laquelle la consommation de substances psychoactives conduit systématiquement à des comportements irrationnels ou déséquilibrés repose sur des préjugés profondément enracinés. Cette perception est souvent alimentée par les médias et les discours politiques, qui associent drogues et criminalité ou perte de contrôle. Pourtant, des études scientifiques nuancent cette vision simpliste. Harriet de Wit, professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à l’université de Chicago, rappelle que les effets des drogues sur la personnalité sont difficiles à isoler hors d’un cadre clinique. Les changements comportementaux résultent souvent d’une combinaison de facteurs : contexte de consommation, personnalité préexistante, environnement social, et non de la seule substance consommée.
Les critiques sur les pratiques commerciales douteuses de Musk, ses positions politiques ou son trolling en ligne, on a tendance à le qualifier de manière désobligeante de drogué dégénéré. Prenons par exemple quelques tweets tirés de la plateforme de médias sociaux de Musk : « Musk, Thiel, Trump Jr, RFK Jr, Yarvin, Dugin et Peterson ne sont pas seulement des milliardaires et des porte-parole rétrogrades, mais aussi des drogués », ont décrié les hacktivistes Anonymous. « Ce n’est pas un putain de dieu… c’est un drogué, un raciste, un nazi, un psychopathe… », s’est emporté un autre compte.
From Musk, Thiel, Trump Jr, RFK Jr, Yarvin, Dugin, and Peterson they aren’t just billionaires and regressive mouthpieces but drug addicts too. pic.twitter.com/BF4cA3xxfw
— Anonymous (@YourAnonCentral) December 16, 2024
Le microdosage : une tendance dans la Silicon Valley
Dans les cercles influents de la Silicon Valley, la consommation de certaines substances comme la kétamine, les champignons hallucinogènes ou le LSD à très faible dose (microdosage) est perçue comme un outil d’amélioration des performances cognitives et créatives. Elon Musk ne fait pas exception. Il a admis utiliser la kétamine pour gérer sa dépression, pratique qui s’inscrit dans une démarche thérapeutique de plus en plus étudiée. D’autres entrepreneurs, ingénieurs et créateurs voient dans ces substances un moyen de mieux gérer le stress, de booster la créativité ou de favoriser la prise de décision. Est-ce pour autant que leur jugement est altéré ? La question reste ouverte, mais il serait réducteur de penser qu’une consommation encadrée et réfléchie mène forcément à des comportements incohérents.
Elon Musk : un comportement excentrique ou calculé ?
Attribuer les décisions d’Elon Musk à sa consommation de substances revient à ignorer les dimensions stratégiques de ses choix. Son rachat de Twitter, son soutien à certaines figures politiques controversées ou ses déclarations provocatrices sont souvent interprétés comme des caprices d’un milliardaire sous influence. Pourtant, ces actions peuvent également être comprises comme des stratégies de communication destinées à influencer les marchés ou à consolider sa base de soutien. Musk maîtrise parfaitement les codes des réseaux sociaux et sait provoquer des réactions massives, ce qui lui permet de rester au centre de l’attention médiatique.
Des précédents historiques peu concluants
Comparer Musk à d’autres figures historiques, comme Hitler dont la consommation de cocaïne et de méthamphétamines est documentée, est un raccourci dangereux. Les comportements extrêmes de certains dirigeants trouvent généralement leur origine dans des contextes sociopolitiques complexes, des idéologies extrêmes ou des traumatismes personnels, et non uniquement dans la prise de substances. Hitler avait des convictions idéologiques bien ancrées avant même de consommer des drogues. De même, les actions d’Elon Musk s’inscrivent dans une logique entrepreneuriale et médiatique qui dépasse largement sa consommation personnelle.
Le biais moral dans la perception des drogues
Comme le souligne Carl Hart, neuroscientifique à l’université de Columbia, les jugements portés sur la consommation de drogues sont souvent empreints de biais moraux. Stigmatiser Elon Musk pour sa consommation occasionnelle de substances, tout en normalisant la consommation d’alcool ou de caféine dans les sphères dirigeantes, révèle une hypocrisie sociétale. Ce traitement différencié entretient la diabolisation de certaines drogues, souvent illégales, sans fondement scientifique solide.
Pourquoi ce débat est-il important ?
La focalisation sur la consommation de substances d’Elon Musk détourne l’attention des véritables enjeux. Ses choix stratégiques, son influence sur les marchés financiers et son impact sur les politiques publiques méritent une analyse critique fondée sur des faits, non sur des jugements moraux liés à des comportements privés. En se concentrant sur ses habitudes de consommation, on évite de débattre des conséquences concrètes de ses décisions sur l’économie mondiale, les libertés publiques ou l’environnement.
Conclusion : Une lecture simpliste d’un personnage complexe
Accuser Elon Musk d’être déséquilibré à cause de sa consommation de drogues revient à adopter une lecture simpliste de comportements qui sont probablement le fruit de stratégies mûrement réfléchies, d’une personnalité atypique et d’un environnement où la prise de risques est valorisée. La complexité de ses actions et de ses motivations ne peut être réduite à une simple question de consommation de substances. Ce raccourci nuit au débat public en détournant l’attention des vrais problèmes posés par le pouvoir démesuré que certains individus exercent sur nos sociétés.
Blâmer les drogues pour les comportements de Musk, c’est oublier que les choix politiques, économiques et idéologiques ont bien plus d’impact sur les comportements des puissants que les substances qu’ils consomment. Si critique il doit y avoir, qu’elle porte sur ses actes et leurs conséquences et non sur des habitudes personnelles qui, en fin de compte, concernent peu le public.
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