Mardi 25 février 2020
Profitant d’une brèche dans la législation, de nombreux magasins et sites Internet se sont engouffrés sur le marché du cannabidiol. En attendant les résultats de l’expérimentation sur le « cannabis thérapeutique ».
FERNEY Jeanne
C’était au début de l’été 2018. En l’espace de quelques semaines, des dizaines de boutiques vendant des produits à base de cannabidiol (CBD), un composant du cannabis, voient le jour un peu partout en France. Malgré l’afflux de clients, une partie d’entre elles seront rapidement contraintes de baisser le rideau sur ordre de la justice. Ces commerces étaient pourtant légaux… ou du moins, en apparence.
En fait, beaucoup ont profité d’une zone grise de la réglementation française. Selon la loi en effet, le cannabis est interdit, mais pas le CBD, qui ne figure pas sur la liste des stupéfiants. Il est donc autorisé d’en proposer à la consommation, à condition que sa teneur en THC (la molécule du cannabis qui fait «planer») soit inférieure à 0,2%. « Mais cette concentration concerne la plante entière, pas le produit qui en est issu », précise le professeur Amine Benyamina, psychiatre addictologue à l’hôpital universitaire Paul-Brousse, à Villejuif (Val-de-Marne). Une nuance sur laquelle de nombreux sites Internet continuent de jouer, vantant des produits « dans les clous ». Fleur, résine, cristaux, huile, mais aussi infusions, gélules, ou encore liquides pour cigarette électronique: le CBD s’y vend sous presque toutes les formes.
Faut-il s’alarmer de cette mode? Pas forcément. Selon l’Organisation mondiale de la santé, ce produit ne serait ni addictif, ni nocif. Il peut même s’avérer «intéressant» dans certains cas, d’après le professeur Amine Benyamina. « Il a des effets anti-inflammatoires et antalgiques. Surtout, il vient atténuer les effets psychiatriques du THC, qui, eux, sont très inquiétants, notamment chez les jeunes. » Autrement dit, plus le cannabis contient de CBD, moins il est dangereux. Ce qui ne signifie pas que la consommation de cannabidiol soit chose banale, insiste le médecin. D’autant qu’elle peut favoriser le tabagisme ou encore le vapotage dont les risques sont jusqu’ici incertains.
Les fabricants et vendeurs de CBD, eux, n’ont pas le droit de revendiquer une quelconque vertu thérapeutique de leurs produits. Parce qu’ils s’y sont risqués avec leur cigarette électronique au chanvre, les fondateurs de la société Kanavape ont écopé de 15 et 18 mois de prison avec sursis en 2018.
Alors que vient de débuter l’expérimentation du cannabis thérapeutique validée par l’Assemblée nationale en novembre dernier, les enjeux du CBD ne sont pas seulement sanitaires mais économiques – la France est le premier producteur de chanvre au niveau européen – et surtout politiques, selon le docteur Olivier Phan . « Si ça se trouve, le cannabidiol est de la poudre de perlimpinpin, mais le problème n’est pas là », estime ce psychiatre et docteur en neurosciences . Pour lui, « le battage médiatique autour de cette substance n’a qu’un seul objectif: la légalisation du THC. Le CBD, c’est un peu le cheval de Troie. »
Source : la-croix.com