Publié le 26 Août 2020 | Par Aziz Zemouri
REPORTAGE. Le ministre de l’Intérieur s’est rendu mardi soir dans le quartier Montmirail, à La Ferté-sous-Jouarre, gangrené par le trafic.
La Ferté-sous-Jouarre, Seine-et-Marne, 10 000 habitants, à 65 kilomètres de Paris, constitue un « point stups » qui fixe la délinquance dans le quartier Montmirail. Deux cent cinquante familles y vivent dans des logements sociaux construits dans des immeubles à taille humaine. Ni cage à poules ni ghetto.
Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, y a fait une longue halte mardi soir, accueilli par les gendarmes qui combattent sans relâche, tel Sisyphe, le trafic de cannabis et la violence qu’il génère. En octobre dernier, ils ont démantelé un réseau et mis la main sur 13 kilos de haschich, d’une valeur estimée à 80 000 euros à la revente.
En 2017, la police judiciaire de Meaux, qui, elle aussi, avait mis hors d’état de nuire des trafiquants, avait évalué à 1 kilo par jour la drogue écoulée à Montmirail, pour 50 à 70 clients quotidiens. « 30 ans que ça dure », explique Ugo Pezzetta, le maire divers droite, à Gérald Darmanin. Lui, le ministre, le préfet Thierry Coudert ainsi que Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité et accessoirement maire de Coulommiers, la commune principale du pays de Brie, l’agglomération à laquelle appartient La Ferté, sont de la visite.
« La République doit se défendre »
« La banquette, le barbecue : ils s’installent là, à l’entrée, et vendent leur produit qu’ils ne détiennent jamais sur eux. La marchandise est livrée aux clients », détaille un officier de gendarmerie. On remarque sur le goudron les traces du « ménage » régulier effectué par les gendarmes. Le ministre évoque l’amende forfaitaire que paieront leurs clients à partir du 1er septembre. « C’est un pas important. Dans les expérimentations que nous avons menées, on a eu plus de 50 % de paiement sous deux mois. Après, on passera à la saisie sur salaire. » « La saisie sur les aides sociales aussi ! » propose un élu.
Gérald Darmanin aperçoit un homme sur son balcon : « Ça va ? » « Ça va, hamdoullah [Dieu soit loué, NDLR] », répond le résident. Pas de discours martial, type « on va vous débarrasser de ces racailles », le ministre cherche des solutions à un problème endémique. Des « jeunes », connus selon les gendarmes, tentent, à distance, d’entamer un « dialogue » à base d’invectives à destination principalement du maire. « J’ai été réélu à 75 % au premier tour, dit le maire. Le ministre ajoute : « On ne va pas se laisser intimider. La République doit se défendre. » « Ce sont à peine dix personnes connues de tous qui empoisonnent la ville », affirme encore l’élu.
Avec @franckriester, nous sommes venus ce soir soutenir nos forces de sécurité à la Ferté-sous-Jouarre, en Seine-et-Marne, dans une opération anti-drogues et anti-délinquance.
Il n’y aura pas de répit pour les trafiquants, le combat contre ce fléau doit être total. pic.twitter.com/LXqZ2teXQh— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) August 25, 2020
Réponse pénale discutable
Parfois, l’architecture n’aide pas. Le lycée est quasiment ouvert sur le « point stups » ! Vidéoprotection limitée, mauvaise volonté du bailleur local à l’utiliser, absence de centre de supervision urbaine (Cesu)… Les élus locaux égrènent les difficultés à mettre en place les outils qui permettraient d’accumuler les preuves contre les délinquants, pour les faire condamner en justice. « Grâce à la proposition de loi du député Jean-Michel Fauvergue sur le continuum de sécurité, explique Gérald Darmanin, un maire va pouvoir déléguer une partie de ses attributions en matière de sécurité ; dans les petites communes, une personne assermentée pourra, par exemple, visionner les images de vidéoprotection de la communauté de communes. » Le ministre prévoit de soumettre le texte au vote de l’Assemblée avant la fin de l’année.
Les élus confient que la réponse pénale n’est pas à la hauteur. Le parquet prend des réquisitions fermes, mais les condamnations ne suivent pas. Et même lorsqu’un délinquant est condamné à 14 mois de prison, qu’il est considéré comme un poison pour le quartier, il est maintenu en liberté sans contrôle, au prétexte qu’il se déplace en fauteuil roulant.
Gérald Darmanin n’est pas ministre de la Justice. Il demande au préfet de réunir tout le monde afin que chacun prenne ses responsabilités : bailleur, département, État… « Nous ne sommes pas ici dans une situation irrémédiable. L’État est en mesure de régler la part qui lui incombe. Je reviens dans trois mois, on aura avancé. N’est-ce pas, monsieur le préfet ? » Thierry Coudert acquiesce.